Avec
la petite, Henriette faisait sa cure de jouvence. Elle ne se sentait
plus vieille, ni ridée. Elle n’avait plus mal aux articulations,
juste aux zygomatiques.
Cinq
jours trop courts, parce que le soleil apparaissait trop tard et
disparaissait trop tôt, parce qu'il n'y avait toujours que
vingt-quatre heures dans une journée. Parce qu'il y avait tellement
de choses à faire, aller faire du toboggan comme des gosses,
Henriette adorait ça, surtout lorsqu'il y avait des gamins autour
qui la regardaient avec un sourire éclatant, parce qu'une mamie
comme ça, c'était génial, et qu'ils auraient bien aimé que la
leur fasse pareil. Le toboggan, l'othéo ne le lui avait pas
interdit. Elle ne l'avait pas non plus évoqué. Ce n'était pas
descendre la pente sur les fesses qui risquait de lui faire mal,
juste porter des choses lourdes. Dans le parc, elle avait fait de la
balançoire, et puis du « tape cul », aussi.
Oui,
elles en avaient fait, des choses.
Des
parties de pétanque, siroter une grenadine, ou s'asseoir sur la
nacelle, le parasol grand ouvert pour se protéger de la pluie,
habillée comme des bonshommes Michelin parce qu'il faisait tout de
même un peu froid. Et puis des instants à ne rien se dire, mais
tout ressentir,
Ça
ne durerait pas, ce serait peut-être sa dernière descente de
toboggan, l'avant dernière, elle s'en fichait pas mal, elle était
dans l'instant, elle en profitait, elle rigolait comme une folle
qu'elle était un peu, encouragée par la petite qui riait aussi aux
éclats, c'était bon de vivre.
Le
jour arriva où il fallut reprendre le bus. Cinq jours, ce n’était
pas assez. Il y en aurait dix que le constat aurait été le même.
–
Tu feras attention, Mamie ? lui fit la petite sur le quai
–
A quoi ?
–
Tu le sais bien, arrête de faire la naïve.
–
Tu sais, avec ma vie d’ermite, je ne risque pas grand-chose.
–
Tu vas acheter ton pain. Tu vois du monde. Ce n’est pas sans
risque.
Elles
en avaient déjà parlé. Le virus touche surtout les personnes
âgées. Il faut prendre des précautions. Regarde, tu ne te laves
jamais les mains.
–
Il faut être en contact avec les microbes pour travailler son
immunité. Les milieux aseptisés, ce n’est pas bon pour
l’organisme. Tu sais très bien qu’il y a plus de maladies ORL,
d’asthme, d’allergies et de toutes ces autres saletés depuis
qu’on passe tout à la javel.
–
Mamie, ne fais pas ta bourrique. Il y a un entre deux. Toi, tu fais
tout à l’extrême.
–
C’est bon, c’est bon, je ferai attention. Mais tu reviens me voir
aux prochaines vacances !
–
Oui, mais il faudra que je révise un peu.
–
Je serai là pour superviser.
Elle
prit la vieille dame dans ses bras.
–
Merci, mamie.
–
Merci à toi, ma petite fille. Prends soin de toi.
Une
larme roula sur sa joue lorsque le train ne fut plus à vue. Ça
allait être long, d’ici les prochaines vacances.
*
Ma
chambre est mon univers. C'est un lieu rassurant pour tous les
enfants, c'est là que nous formons notre imaginaire, que nos
premiers rêves naissent, que nous les développons. J'y passe
beaucoup de temps, au détriment de la vie à l'extérieur.
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