Beaucoup m'avaient dit qu'elle était trop roulante pour moi. Mais quand on a une idée en tête...
Je m'étais donc inscrit deux semaines à l'avance (merci à l'organisation pour l'invitation), en espérant que les conditions météo seraient optimales.
Chaque jour, j'épluchais les bulletins, en me disant que je ne prendrais pas le départ si c'était trop galère, histoire de ne pas compromettre ma saison d'hiver. Bien entendu, il a fait (à peu près) beau toute la semaine et les prévisions annonçaient un très gros passage pluvieux entre samedi soir minuit et dimanche matin huit heures. Grosse modo le moment de course de la SaintéLyon. Et c'est exactement ce qu'il s'est passé.
Le départ de la course étant donné à 23h30, j'ai passé ma journée de samedi à tourner comme un lion en cage. Stressé, forcément, vu que mes références en terme de dossard sur un course à pied "longue" ne dépassaient pas les 27km et 2h30 d'effort. Là, je partais sur plus du double, et un profil carrément roulant.
Un ami (Rachid) a accepté de faire mon assistance ravitaillement, oui, plus on est de fous, plus on rit. Surtout en pleine nuit, moi à pied et lui en voiture sur les petites routes de campagne à essayer de trouver les initinéraire pour rallier chaque point de ravitaillement.
Donc voilà, à 23h30, les hostilités commencent, le rythme est tout à fait honorable, je suis sur le peloton de tête, il ne pleut pas (encore...), tout va bien.
Au premier ravito, on est un petit groupe de 8 coureurs, et les jambes sont au top. Rachid ne s'est pas paumé dans la cambrousse, il me tend une gourde pleine, je lui donne la vide, et je repars, confiant.
Au deuxième ravitaillement, nous ne sommes plus que 4. 32km de course, un léger crachin fait son apparition, l'un des coureurs semble avoir une crampe, je me dis en moi-même, "pas de bol, mon gars, la fin de course risque d'être longue pour toi". Je souris un peu en me disant que c'est toujours une place de gagnée. Dans le top 3 à mi-course, je commence à croire en la victoire. Il pleut franchement, mais l'adrénaline de la course fait presque passer au dessus des gouttes.
Et voilà qu'à mon tour, je sens un petit quelque chose dans les adducteurs. Une légère tension. Je raccourcis la foulée, comme on dit, il vaut mieux prévenir que guérir.
J'arrive bientôt au ravito, je cherche Rachid du regard, je ne le vois pas. On avait un plan, si jamais on se loupait. Un plan bien clair, la raison pour laquelle il devait se placer juste avant le ravito officiel: si jamais on se ratait, je m'arrêtais à celui fourni par l'organisation, je remplissais ma gourde: une petite pause intelligente, quoi! Le truc raisonnable.
Il y avait à peine 12km jusqu'au ravitaillement suivant, et très peu de dénivelé. Ayant encore de l'eau dans la gourde et n'ayant vraiment pas soif à ce moment, je ne me suis pas arrêté. Ce fut ma première grosse erreur de débutant.
4 km plus loin, l'adducteur s'est tendu comme un arc. J'ai fait mon premier pas de danse et poussant la chansonnette. "Aïeeeeeeeeeee". Alors j'ai commencé à changer ma façon de courir pour compenser. Il tombait des seaux d'eau, le terrain a commencé à devenir dangereusement boueux. C'est dans une descente que l'ischio-jambier à pris la relève, je me suis mis à danser la polka. Seul au milieu de nulle part, sous des trombes d'eau. Ma gourde était vide, et je me suis mis à regarder avec avidité les ruisseaux de boue dévalant la pente, me demandant si je pouvais la boire. J'ai aussi pensé à récupérer l'eau tombant des gouttières des maisons croisées. Au ravito suivant, km 54, j'étais encore 4ème. Bien sûr, je ne pouvais pas abandonner. Mot inexistant dans mon vocabulaire.
J'ai alors compté chaque minute de mon calvaire, espérant, par je-ne-sais quelle opération du Saint-esprit, pouvoir réduire d'un coup les kilomètres me séparant de l'arrivée.
Côté météo, c'était le déluge.
J'ai vu un bateau surchargé descendre les flots.
-Euh... Noé ?!
C'est à ce moment là que j'ai compris que le mal était fait.
J'ai pu tester les crampes sur l'ensemble des muscles: mollets, ischios, adducteurs, abducteurs, quadriceps... et puis même les trapèzes, assez incroyable quand on court avec les jambes.
La fin a été un véritable parcours du combattant, physiquement, moralement et au sens propre du terme: boue jusqu'aux chevilles, passage dans des gouilles d'eau jusqu'à mi-cuisse (je n'invente rien, l'eau s'était accumulée de manière halluciante sur un endroit du chemin, et on aurait pu le traverser à la nage!). Pour preuve, à Lyon, pendant la nuit c'était ça:
Après 6h25 d'effort dont trois heures d'énorme galère, j'ai fini par arriver. 8ème, déçu, bien entendu, mais j'ai fini, et je crois qu'à ce moment, c'était ma plus grande satisfaction. Un moment de bonheur inense: je pouvais enfin m'arrêter de courir (de souffrir aussi).
Comme je dis toujours, la douleur, elle est dans la tête.
Désormais, je comprends qu'elle est quand même beaucoup dans le corps! (il n'y a qu'à me regarder marcher aujourd'hui!!!)