Je ne suis pas fétichiste. Je vous vois venir, vous allez tout de suite penser au fouet et à la combinaison moulante en cuir, mais je vous arrête tout de suite, lorsque je parle de fétichisme, je fais allusion à la superstition.
Ce dimanche, je prenais part à ma 13ème Transjurassienne. Lors des tests de la veille, une paire sortait du lot: la numéro 13. Bonne nouvelle, j'avais déjà couru avec à la Foulée Blanche. Le 13, c'est un chiffre qui me collait un peu aux basques depuis le début d'année. D'autant plus que l'organisation nous avait concocté trois tours de 13km. J'avais donc fait tous mes calculs, étant donné que j'avais déjà coché le chiffre 4, ne me restaient plus que le 1 ou le 3. Le podium était joué d'avance. Le bonhomme était en forme, le bonnet orange prêt à en découdre, ne restaient plus qu'à avoir ce fameux alignement des planètes pour aller jouer devant.
Une poussière s'est mise dans l'engrenage. Un dossard sorti de nulle part (155), une place in extremis en ligne élite mais en bon dernier de ligne (cherchez l'erreur?...), mes skis du jour qui, finalement, ne sont pas les 13, des signes, me direz-vous ? Que nenni, il en fallait bien plus pour me donner des sueurs froides.
Pourtant... J'ai fait la Transju la plus courte de ma carrière de skieur. La course a été pliée au bout de trois secondes. Trois secondes, ce n'est pas vraiment ce à quoi je m'attendais. 3 secondes, c'est généralement le compte à rebours, 3-2-1 partez. C'est aussi le temps mis par la lumière pour parcourir 900 000km. Le temps qu'il faut à l'un de mes neurones pour se connecter à l'autre. Dans mes rêves de victoire, celui qui m'aurait séparé de mon dauphin sur cette 13ème Transju.
Trois secondes, c'est mon temps de course avant que je m'emplâtre sur le concurrent de devant. Avec ma combinaison moulante (non, pas en cuir), j'étais pourtant prêt à fendre l'air. Pourtant, je ne crois pas être précoce. La suite? Les skis s'emmêlent. Impossible de me dépêtrer, les coureurs des autres lignes s'emplâtrent à leur tour sur nous, je prends des coups de bâtons au passage. Je suis comme menotté à la ligne de départ, avec l'impression que tout un régiment de coureurs me passe dessus. J'ai eu envie d'hurler. Le premier truc qui me venait à l'esprit. Oh, my God!!!
Attention, ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit, je parle de sport et rien d'autre.
Je ne peux pas me libérer, c'est un supplice, je suis enchaîné, l'attente est longue, trente secondes, peut-être plus, deux cents, trois cents personnes qui passent autour et tous mes rêves de Tranjsu qui s'éloignent aussi vite qu'un coup de fusil.
J'ai malgré tout essayé, un sprint de plusieurs kilomètres pour essayer de revenir sur le groupe de tête, à zigzaguer entre les concurrents sur une piste trop étroite. Espérant que la course, devant, soit une course d'attente. Il n'en a rien été. Au bout d'un tour, à peine treize kilomètres, j'ai mis le clignotant. Mon premier abandon en ski depuis tant d'années. Depuis mes premiers pas sur les longues. Il en fallait bien une. Il a fallu que ce soit sur cette 13ème.