Annulée en 2019 et en 2020, j'étais venu en mode rando sur l'épreuve des Templiers en 2021. Je m'étais dit que ce serait sympa de revenir cette année en espérant accrocher un top 10 sur l'épreuve reine. Mais après une période estivale relativement faste, le corps accusait une baisse de régime cet automne.
Les Templiers, je voulais surtout y revenir pour l'ambiance. Durant une semaine, Millau vit au rythme des différentes courses. Les rues fourmillent de Traileurs, et lorsque l'été Indien s'installe dans le coin, l'atmosphère est incroyable. Tout comme le sont les paysages.
Les Templiers, c'est avant tout une course rapide, avec de longues portions de plat agrémentées de "talus" de 500 mètres de dénivelé. En gros, c'est: montée sur un plateau, traversée du plateau, descente dans la vallée. Remontée, retraversée, redescente. Et ainsi de suite jusqu'à l'arrivée. Croyez-moi, c'est casse-pattes à souhait.
En ce qui concerne ma course, voilà un petit résumé:
Départ à 5h45. Les jambes frétillent. J'adore cette ambiance nocturne, les lampes frontales allumées dans l'obscurité, l'émulation d'avant. Fondu dans la masse, tout comme les 2500 partants, j'attends le signal de départ. Je repense aux nombreuses séances de fractionné des dernières semaines, mais j'appréhende la longueur de la course: je n'ai pas une seule séance de plus de deux heures dans les pattes depuis un mois. Je choisis de mesurer mon début d'effort, surtout, ne pas me précipiter.
Au bout d'une heure, je suis dans un groupe aux alentours de la 30ème place, je suis bien en-deçà de mes rythmes habituels de course, mais je préfère rester prudent. Au bout de deux heures, je me sens toujours bien, je me force à ne pas accélérer. Prudence, prudence... Trois heures et demie de course, j'en suis à la moitié. Pourtant, malgré une bonne gestion, les jambes commencent à fléchir, surtout après une longue descente.
Je suis à la Roque-Sainte-Marguerite, kilomètre 45, et je sens que la suite va être difficile. Les sensations ne me trompent pas, arrivé sur la butte qui mène au Salvage, les portions de plat me paraissent interminables, je commence à marcher. Je prends mon temps au ravitaillement, espérant un regain de forme pour la suite. Alors j'attends, les kilomètres passent au ralenti, les plats sont interminables. Je fais une nouvelle pose au ravitaillement suivant, je m'étire, je respire, je prends les kilomètres les uns après les autres, me disant qu'un kilomètre de plus, c'est un kilomètre de moins. Oui, je sais, quand on est au bout du rouleau, le cerveau vide fait ce qu'il peut avec ses neurones grillés. Bien entendu, je pense à l'abandon, mais je le repousse dans un coin de la tête. Massebiau, kilomètre 70, il m'en reste encore 10, je guette la famille qui devait être là pour m'encourager. Personne, je prends un coup au moral. Je marche en travers dans la montée, et à mi-chemin, j'entends un "Allez papa, allez allez allez!". Quand j'arrive à leur hauteur, les enfants m'encouragent à pleins poumons, Isa me dit que j'y suis presque. Mon égo en prend un coup, les enfants montent plus vite que moi, ce sont eux qui m'attendent.
Bon, je range l'égo dans un coin. J'arrive à la ferme du Cade, la famille a pris un autre itinéraire pour m'encourager sur la dernière montée. Je prends un coca et une soupe. Des tartines de roquefort. Des chips. Du fromage et du saucisson. Les bénévoles sont heureux "vous êtes le premier concurrent à faire honneur au ravitaillement". Pour ça, je fais honneur. Je dévalise tout ce qu'il y a, puis je repars sous les encouragements. Toujours au ralenti. Plat, descente. Dernière montée. Et curieusement, c'est dans les derniers mètres de dénivelé que je retrouve un second souffle. Foutu corps, il ne reste plus que la descente sur Millau à me mettre sous la dent. La famille est là lorsque j'entame la dernière descente. Un kilomètre plus loin, j'ai l'impression d'avoir mes jambes de début de course.
Enfin l'arrivée. Sur le panneau d'affichage, 48ème. Une belle galère. J'avoue qu'à ce moment-là, je ne suis pas sûr de remettre un dossard sur la fin de saison. Pourtant, dans un mois et demi, j'ai coché la SaintéLyon. Je n'ai pas encore de dossard, mais si je réussis à en avoir, je me dis que ce serait quand même sympa de terminer sur une bonne note.
On m'a demandé à l'arrivée : "Qu'est-ce qui te pousse à terminer lorsque tu es dans un jour sans? "
La haine de l'abandon. Me battre comme ceux de "À chacun son Everest", dont le combat est mille fois plus important qu'une course, et qui ne lâchent rien.
Sur la photo (merci Robin Schmitt), sourire principalement... d'être arrivé! Un moment très compliqué, pour l'instant la forme est quelque part, mais en tout cas pas en moi reste à la retrouver... Luke (Skywalker), si tu m'entends...