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mardi 31 mars 2020

Journal de con(s)fin(i)és


Hier, le président a annoncé un confinement général. Avec interdiction de sortir de chez soi. Un véritable défi, a-t-il expliqué, et pour le bien de tous, je vous demanderai de respecter ces mesures préventives, afin d'éviter la propagation du Virus.
A la maison, ça faisait longtemps qu'on n'avait pas eu un temps de repos, c'était l'occasion de nous retrouver. On a bien expliqué aux petits que demain, il n'y aurait pas école, alors il fallait faire la grasse matinée.

Au milieu de la nuit, mon mari s'est approché de moi. Sport de chambre, a-t-il fait avec un grand sourire, histoire de fêter notre jour de repos à venir.
J'ai trouvé l'idée sympa, ça m'a rappelé nos premières fois.

A l'aube, on a remis ça. « Un coup de jeune » m'a-t-il fait en riant.
Un coup tout court, ai-je pensé. J'ai laissé faire, pour le côté nostalgique, des fois, ça fait du bien de se retrouver comme à nos vingt ans.
On s'est rendormi.

Le réveil indique 6h30, les enfants viennent sauter dans notre lit. Super, on n'a pas école ! braillent-ils en boucle. La grasse matinée, on avait dit, les enfants...
Alors on s'est levé, avant les horaires classiques d'école. A sept heures, le petit déj est bouclé. Les enfants poussent leur chansonnette en courant dans tous les sens On n'a pas école, on n'a pas école !...
Je leur explique qu'il y aura quand-même des devoirs à faire à la maison. Ça sera vite fait, d'autant plus qu'avec la maîtresse, ce n'est pas évident. On a été convoqués la semaine dernière, soi-disant que nos enfants ne sont pas studieux. On lui a répondu qu'elle devait mal s'y prendre.

A 9 heures, les enfants sont au bain. C'est le jour du changement. D'habitude, on leur fait prendre le soir à la va-vite. Là au moins, ils en profitent.
Mon mari me fait un clin d’œil et me dit que pendant ce temps, on peut s'octroyer un petit plaisir. Je ne lui dis pas non. Je me dis que c'est le changement, le confinement, que ça doit le travailler, mais je regrette déjà l'idée du bain.

Une heure plus tard, je pense que le mieux, c'est de faire les devoirs tout de suite, comme ça, on n'en parle plus pour le reste de la journée. C'est la première fois qu'ils doivent travailler à la maison, je trouve ça drôle. Il y a une chanson à apprendre, un peu d'histoire, et des mathématiques. Mon mari se propose de se muer en instituteur. Tu verras, en moins de cinq minutes, ce sera terminé.

L'horloge sonne onze fois. Il jette l'éponge. Il me dit que la maîtresse avait peut-être raison, pour les petits. Ils ont du mal à se concentrer. Je sens une pointe de colère monter en moi.
Tu ne sais pas faire, lui dis-je. Je vais m'en occuper moi-même.

Il est midi. Les petits ne veulent rien entendre. J'imagine que c'est à cause du changement. Le confinement, ça doit les travailler aussi. On va réessayer l'après-midi.

A treize heures, Les petits sont au lit pour la sieste. Mon mari me fait un clin d’œil.
Ah, tiens, lui dis-je en feignant de ne pas comprendre, les petits sont déjà réveillés ?!

Après avoir subi le quatrième assaut, j'ai peur du cinquième, alors je fais beaucoup de bruit pour réveiller la tribu. Il n'est que quatorze heures. J'essaie de refaire le travail scolaire.

Il ne se passe pas une heure avant que j'écrive un mot à la maîtresse, je lui dis qu'elle avait peut-être raison, nos enfants ne sont pas si faciles que ça.

Il est bientôt l'heure du goûter.
Mon mari laisse traîner une main sur mes fesses. Je commence à avoir des idées violentes. Je me précipite sur les enfants, pour réessayer de les faire travailler. Place au couplet de chanson à apprendre.
C'est le printemps qui jette
Partout des pâquerettes
C'est le printemps fleuri-fleurant
Qui fait venir les fleurs des champ

Au bout d'une demi-heure, ils ne connaissent toujours pas la première phrase. Leur papa s'y essaie à son tour.
Je les observe en train de s'emmêler les pinceaux, C'est le printemps des champs, les fleurs des pâquerettes...
Mon mari me demande si ce sont bien les nôtres. Tu sais, me fait-il, il paraît qu'aujourd'hui encore, il y a des échanges à la maternité.
Une autre demi-heure passe, mais qu'est-ce que vient foutre l'automne dans la poésie ?
Ils sont peut-être débiles ? en fait.
Je décide de passer aux maths.
Trois plus un ?
J'ai droit à tout.
Trente et un. Deux. Trois cent un.
Je leur dit qu'à chaque mauvaise réponse, je mets une baffe.
Au bout d'un moment, j'arrête, j'ai la main en feu.

Mon mari propose un pause, et qu'ils aillent dans le jardin. Un sourire malicieux traîne sur ses lèvres. Essaie seulement, tiens... Je commence à me dire qu'il doit être lui aussi un peu débile, finalement.
On oublie donc le jardin, et on passe au cours d'histoire.
Les enfants me disent avec sérieux qu'ils connaissent déjà la préhistoire parce que moi, leur maman, je suis née quand il y avait les dinosaures. Je comprends alors que la débilité est génétique, tel père, tels enfants.

A dix-huit heures, je les envoie tous les trois dehors, de force. J'astique compulsivement le plan de travail pour passer mes nerfs. Les petits reviennent crottés comme pas possible. Je repense à ma bonne idée du bain du matin. Je propose gentiment à leur père de s'en occuper, j'ai peur qu'il y ait des noyades, sinon.

Le carillon de l'église résonne, il est dix-neuf heures. Les enfants sont au lit. Jamais ils ne l'ont été aussi tôt. A la place des câlins, j'ai fait une tournée de baffes. Bien fait, les mômes. Pour changer de la petite histoire douce du soir et de la berceuse qui va avec, je leur ai raconté celle des monstres avec les grandes dents qui arrachent les yeux et les oreilles, qui tranchent la gorge et qui bouffent les intestins.
Ils en pleurent encore et moi, je rigole compulsivement.

A vingt heures, mon mari hurle et fait des bons dans toute la maison. Par mesure de précaution, j'avais mis une tapette à souris dans ma culotte. Bien fait pour TA BI.. ta gueule.
Je lui annonce qu'il avait raison, les enfants sont de lui, mais pas de moi.
Comment est-ce possible ? Je ne sais pas, les mystères de la vie...

Il est bientôt minuit, j'ai peur d'être demain. J'ai écrit une longue lettre au président. Je lui ai dit que pour le bien de tous, ce serait judicieux de mettre fin au confinement rapidement, parce que bientôt, il n'y aura plus beaucoup de confinés, par contre, niveau cons finis, on va atteindre des sommets.




Record du Monde du Kilomètre Vertical

La nouvelle est passée inaperçue, mais le record du Monde du Kilomètre vertical est tombé!!!

 Record du Monde du Kilomètre vertical


lundi 30 mars 2020

Confinement : page 12


[...]
Mais le climat changeait, inutile d’écouter la télé et les rapports des experts pour s’en rendre compte.
Malgré son âge, Henriette avait toute sa tête, sa mémoire n’était pas altérée par le passage des années, elle se rappelait de tout. Lorsqu’elle était petite, elle ne comptait plus le nombre de fois où il fallait aller aider ses parents à déneiger l’allée. Ni les fois où elle allait avec les autres gamins du quartier faire des parties de luge, construire des igloos, des bonshommes de neige. La neige faisait son apparition dès novembre, les fêtes de Noël étaient féeriques. Elle ne concevait pas un Noël sans neige, les flocons faisaient parie du décor, du moment, un ensemble qui rendait le tout magique, impérissable. C’était avant. La neige s’était envolée dans les montagnes. Plus haut. Cette année, elle n’avait pas déneigé une seule fois l’allée. Tant mieux pour ses reins, mais elle avait une pointe de tristesse, se disant que les enfants d’aujourd’hui ne connaîtraient probablement plus ces plaisirs d’enfant. Il était tombé quelques flocons en décembre, à peine de quoi blanchir les champs, et tout était parti en un rien de temps. La température ne baissait plus, le mercure oscillait autour de zéro la nuit, il était devenu fainéant, un peu comme les gens, qui ne voulaient plus d’un travail trop dur, qui avaient délaissé les prés et les jardins, qui préféraient le travail de l’ordinateur à celui des champs. On ne pouvait pas les en blâmer, la vie avait changé et il y avait beaucoup d’avantages, on pouvait se déplacer en avion, on pouvait continuer à échanger avec des amis, même s’ils étaient partis s’installer au bout du monde. L’ordinateur et le téléphone portable permettaient ce genre de choses, c’était, il faut l’avouer, assez incroyable. Elle n’avait pas encore franchi le pas, elle lisait tout ça dans les journaux, elle le voyait sur le poste de télévision. Chez elle, il n’y avait que le téléphone normal et la télé. Elle n’avait pas l’utilité d’un portable, étant donné qu’elle ne quittait presque jamais son domicile, et l’ordinateur, elle n’avait pas le courage de s’y intéresser. Et pour en faire quoi ?
Elle se sentait de plus en plus seule ici, son chat ne suffisait plus à pallier le vide des pièces, des murs hauts et froids. Comme s’il l’entendit, le matou descendit du haut de son placard pour partager la chaleur du poêle avec Henriette. Elle passa sa main sur son pelage, l’animal ronronna de plaisir.
La sonnerie la tira de sa torpeur. Elle s’était endormie. Le chat avait ouvert lui aussi un œil, attendant la réaction de sa maîtresse.
– Allez, file, lui dit-elle en se redressant. Elle s’appuya sur les accoudoirs, le fauteuil à bascule s’inclina vers l’avant et elle put se lever sans trop de difficulté.
Elle ouvrit la porte sans se méfier, il n’y avait que deux personnes qui venaient sonner à sa porte en ce moment : le facteur et le petit voisin. Et vu l’heure, ce ne pouvait pas être le facteur. Elle ouvrit la porte à une tarte aux pommes.
– Je viens de la faire, j’ai des pommes qui s’abîment, et elles sont bien meilleures en tarte qu’à croquer. Je me suis dit qu’il aurait été dommage de ne pas vous en faire profiter.
Elle lui sourit, se décala pour les laisser rentrer, sa tarte et lui.
– Tu n’as pas autre chose de mieux à faire, le blâma-t-elle gentiment.
– Si, vous apporter une tarte. Mais merci quand même pour ce bel accueil.
– Je dis ça pour ton bien. Moi, à ton âge, j’allais au bal pour trouver un gendre et j’avais mieux à faire que d’aller rendre visite à une vieille dame.
– Vous savez bien qu’à cette époque de l’année, les bals font une pause, ils reprennent au printemps. La saison des amours, comme les oiseaux. Qui aurait l’idée d’aller à un bal en plein hiver ? Les cœurs sont trop durs pour être attendris, à cette époque de l’année. Il fait trop froid...
Elle faillit le couper dans son élan, mais il la devança.
– …oui, je sais, vous allez me dire que quand vous étiez jeune, il faisait plus froid, il y avait plus de neige, les jeunes travaillaient plus et bla bla bla, mais il fait quand même trop froid pour espérer séduire quelqu’un. L’hiver, les gens sont emmitouflés, ils préfèrent un livre devant un bon feu de cheminée, ils sont fatigués, c’est physiologique, je ne vous apprends rien, c’est même vous qui me l’avez dit. C’est pour cette raison que beaucoup d’animaux hibernent, ils mettent leur corps au ralenti, ils dorment, nous c’est un peu pareil. Bon, on se la mange, cette tarte ? Elle sort du four, elle est encore chaude.



dimanche 29 mars 2020

confinement: page 11

[...]

Sabrina remet l'éponge sur le bord de l'évier, regarde si tout est en place. Elle tient à ce que ce que la cuisine soit à peu près propre au moment d'aller se coucher, se lever avec du bazar lui donne le cafard. Pas évident avec les enfants qui mettent tout sens dessus-dessous chaque jour. Jeanne commence à faire attention, elle est relativement ordonnée, malgré son jeune âge. Par contre, Louise, c'est une autre paire de manches. Il faut sans arrêt être derrière elle, l'obliger à ranger ce qu'elle a sorti précédemment.

On va toujours chez tes cousins, ce week-end ?
Yoann ne dit rien, il regarde le plafond de la chambre, allongé sur le dos, les bras croisés derrière la tête. Sabrina est allongée contre lui, elle lui caresse tendrement le cou. Il ne répond pas, il est pensif.
Ce serait bien qu'on ait aussi un moment tous les deux. Hier, j'ai rêvé d'une semaine rien que pour nous. Tu m'avais emmenée voir les châteaux de la Loire, et nous faisions du vélo le long du fleuve. Au réveil, j'étais encore en train de sourire, et cette sensation de bien être ne m'a pas quittée de le journée. Je me suis dit que ce serait bien qu'on ait des vacances à nous, juste toi et moi. Tu pourrais demander à tes parents ?
Il réfléchit à sa question, se demande depuis combien de temps ils n'ont pas eu des vacances sans les filles. Sans avoir à préparer à manger, à lire des histoires, à occuper le temps et l'espace des filles, au moins pendant deux jours. La naissance de Jeanne ? Avant ?
Désormais, ils peuvent s'octroyer des sorties cinéma, un restaurant, Aurore garde ses deux sœurs pendant la soirée. 
Effectivement, ce serait bien, avoir un véritable tête à tête, flâner au lit le matin sans avoir à s'occuper des deux dernières, ne pas avoir de cris pendant une journée, parce que les filles se chamaillent, que l'une veut le jouet de l'autre, que tout à coup, elles ont décrété qu'elles ne s'aiment plus, que Louise n'est plus sa copine, que Jeanne vient alors en pleurs, qu'il faut la consoler.
Aurore prend souvent ses deux sœurs dans sa chambre, elle sait les canaliser, leur donnant du travail à faire. Un dessin, un jeu de construction, des origamis. Elle est devenue un troisième pilier pour la famille, et les parents la remercient de son soutien. Leurs grands-parents appréhendent de les garder, Louise et Jeanne sont trop énergiques, mais elles ont changé, grandi, et il est indéniable que la présence de l'aînée sera rassurante pour eux.
Je les appellerai, concède-t-il. Je pense qu'ils seront d'accord.
Ce serait chouette, murmure-t-elle. Nous pourrons faire des énormes grasse matinée. Et puis aussi nous balader tout nu dans notre logement, sans avoir peur qu'une paire d'yeux nous observe, fait-elle en descendant sa main le long de son torse.
Ah, si tu me prends par les sentiments, je ne leur proposerai pas, je leur imposerai.
Il rabat la couverture sur elle d'un geste brusque et poursuit le jeu qu'elle vient de lui suggérer.

*

L’hiver était une période difficile pour Henriette. Les jours courts, le peu de luminosité, les brouillards parfois persistants… Depuis peu, la météo avait une influence sur son moral, c’était indéniable. Il fut un temps où elle avait aimé cette saison froide et enneigée, mais depuis bon nombre d’années, le manteau neigeux se faisait désirer. Il n’y avait qu’à éplucher son petit carnet à spirales pour s’en rendre compte. C’était une manie chez elle, héritée de son père. Chaque jour, elle notait les températures au lever, à midi, au coucher, la pluviométrie, la quantité de neige au sol lorsqu’elle s’arrêtait de tomber. Elle faisait des courbes, des statistiques, elle jouait avec les nombres.
Et puis la neige était si belle, lorsqu’elle recouvrait le paysage de sa fourrure glacée. Elle donnait une seconde vie, éphémère, à la nature austère, aux arbres décharnés, à l’herbe brûlée par les gelées matinales.



samedi 28 mars 2020

confinement: page 10

 [...]
 Jeanne boude à son tour. Elle s'arrête et croise ses bras.
– C'est pas juste d'être petite, je peux rien faire alors que Louise elle a tous les droits.
– Mais tu vas grandir, la rassure Yoann, et tu pourras tout faire comme ta sœur.
Jeanne ne veut rien savoir.
– Allez, s'il vous plaît les filles, ne commencez pas. Pas maintenant. Quand c'est pas l'une, c'est l'autre. A croire que vous vous donnez le mot. J'ai eu une dure journée, donnez-moi au moins un petit sourire, dites-moi que vous êtes contentes de me voir, contentes de rentrer à la maison, d'être en week-end.
Il soupire, la prochaine fois, se dit-il, je tournerai sept fois la langue dans ma bouche et réfléchirai avant de parler.
Le caprice se termine lorsqu'ils arrivent dans la voiture.
– La musique, la musique, la musique ! clament-elle ensemble.
– D'accord, d'accord. Mais on se calme.
Il tourne le bouton, cherche une fréquence.
– Non, pas celle-là ! On veut la musique de la reine des neiges.
Résigné, il charge le CD dans le lecteur, appuie sur lecture. Les hauts-parleurs diffusent l'introduction musicale de Disney.
Je veux la musique des trolls ! fait Jeanne.
– Celle avec Olaf ! rectifie sa sœur.
Elles se mettent à hurler, Yoann pile et arrête la voiture.
– Si ça continue, explose Yoann, vous finissez à pied.
Louise se met alors à pleurer, suivie rapidement par sa sœur.
– Et allez, c'est reparti, marmonne Yoann. Faites des enfants, qu'ils disaient, faites des enfants...

– C'est agréable, ce silence, lui dit-il lorsqu'ils sont en train de nettoyer la cuisine.
Les filles sont dans leur chambre. Jeanne et Louise dorment déjà, Aurore est en train de travailler.
– Des fois, je me dis que le meilleur moment de la journée, c'est quand elles sont au lit, rigole-t-elle.
Ce soir, c'était la tempête durant le repas. Elles n'ont pas cessé de s'asticoter, signe que la journée à l'école a été éprouvante. Demain, ils annoncent la neige, les enfants doivent le sentir, à chaque fois ils sont dans une excitation incroyable.
– Tu as entendu ? reprend-il en donnant un dernier coup d'éponge sur la table, le virus a fait des morts, en Chine.
– C'était à s'en douter. Quand on commence à parler d'un virus dans les médias, c'est qu'il y a forcément eu au moins un mort. Tu sais leur entêtement à diffuser du sensationnel.
– Ils pourraient parler dans ce cas des génocides en Afrique, des glissements de terrain en Bolivie...
– C'est devenu trop commun. Les gens s'en lassent, et puis, tu sais bien, tant que ça ne les touche pas directement...
J'ai vu Jean-Marc en allant chercher les filles. Je lui ai proposé de faire un repas, un de ces soirs. J'ai suggéré que vous nous organisiez ça entre femmes.
Ça veut dire quoi « entre femmes » ?
– Bah tu sais bien, si je commence à entreprendre une quelconque organisation avec lui, finalement la date ne va pas vous convenir, ce ne sera pas comme vous voudrez, donc le plus simple, c'est que tu gères directement avec elle, et nous on se greffe dessus.
– Bien sûr, dis plutôt que ça t'arrange.
Il colle ses lèvre sur la joue de sa femme.
– Tu es tellement forte pour tout ce qui est planification et agendas, l'amadoue-t-il.
– A d'autres. Les soucis d'organisation, c'est décidément une tare masculine.


vendredi 27 mars 2020

Confinement: page 9


[...]
Ils sont allés au restaurant deux soirs, quel plaisir de rentrer en passant sous les arcades décorées, d'aller faire des marches nocturnes au clair de lune pour digérer marcher. Cerise sur le gâteau, l'enneigement a été excellent pendant tout leur séjour, ce qui n'a pas été le cas les années auparavant.
Le manque de neige a été criant ces cinq ou six dernières années, au dire des commerçants, même si cette année a fait exception à la nouvelle règle. Il y a un décalage de l'enneigement, rarement présent en décembre. Depuis le début des années 2000, plusieurs stations ont dû fermer définitivement leur domaine.
Yoann n'ignore pas cette évolution, le réchauffement climatique est dans tous les discours, et les stations d'hiver doivent réorienter leur fonctionnement, leurs investissements pour devenir des villages « quatre saison ». Dans beaucoup de domaines, les remontées mécaniques fonctionnent désormais l'été pour les marcheurs et les vététistes. Il faut s'adapter pour survivre.
Il sait que pour contribuer à la sauvegarde de la planète, il faudrait se priver de ce genre de vacances. Oui, ce n'est pas nouveau, il en a conscience, mais quand il repense à ce bonheur vécu pendant sept jours, quand il revoit le sourire de leurs filles, quand il réentend leurs éclats de rire, il se dit que cette semaine était essentielle à sa vie, même s'il sait ce plaisir égocentrique, en quelque sorte. Même s'il était partagé par toute la famille. Il se demande alors comment faire face aux privations sans oublier le plaisir de vivre. Les compromis existent-ils ? Est-ce du « tout ou rien ? ».
Il croise un parent devant le portail.
– Alors, ces fêtes, elles se sont bien passées ?
En ce moment, il n'est question que de ça, au travail comme en dehors, à force, le sujet finira par se tarir.
Savoir s'ils ont pu partir, si les enfants ont été sages, si la reprise n'est pas trop dure, s'ils sont passés au travers de la grippe saisonnière. Il répond oui à toutes les premières questions, et oui également pour la grippe.
– Nous, fait l'autre, toute la famille y est passée. Je ne t'explique pas la déception. Cloué au lit pour la nouvelle année, quarante de fièvre, des courbatures partout. Mes parents devaient venir, ils ont préféré annuler. A défaut de champagne, on a bu des tisanes et des grogs.
Yoann hoche la tête avec compassion, il veut couper court à la discussion, mais l'autre est volubile, le besoin de parler pour partager sa déception.
– Il paraît que la grippe est moins virulente, cette année. A d'autres. Moi, ça fait plus de dix ans que je n'avais pas été malade comme ça. Et comme je te dis, toute la famille y est passée, incroyable. Mais comme on l'a tous eue, on est reparti pour dix ans d'immunité, rigole-t-il. Et sinon, le boulot, tu t'en sors avec tes déplacements ?
– Oui, ça va. Écoute, je suis vraiment en retard, fait-il en regardant sa montre, les filles m'attendent. On s'organise un repas un de ces soirs à la maison, on aura du temps pour discuter. Je laisse ta femme caler ça avec Sabrina et on se tient au courant, dit-il en s'éloignant.
Il se remet à courir et sonne à l'interphone, se présente pour pouvoir rentrer. Les filles lui sautent dans les bras.
– Papa ! s'exclament-elles à l'unisson.
– Bonjour les filles. Désolé pour le retard, il y avait beaucoup de monde sur la route.
– C'est pas grave, on a l'habitude.
Yoann remercie le personnel et repart, les deux mains prises par les petites.
– Qui commence par me raconter sa journée ?
– Moi, moi, moi ! s'exclame Jeanne.
– Non, c'est pas juste, fait Louise. C'est toujours toi.
– Louise, fait Yoann, tu peux laisser ta sœur commencer, montre moi un peu qu'une grande fille comme toi sait être patiente.
– Pfffff, c'est pas juste, c'est toujours les plus petits qui ont tous les avantages.
– Ah oui ? fait son père en la regardant vivement. Et tu peux me dire qui a le droit d'éteindre plus tard sa lampe pour lire le soir, qui peut inviter des copains et des copines pour son anniversaire, qui peut aller voir un film au cinéma avec sa grande sœur ?...



jeudi 26 mars 2020

Confinement : page 8

[...]

C'est le moment des informations, celui où tout le ridicule de la planète défile en un laps de temps formaté. Et voici venu le temps de la décadence.
La planète est peuplée d'imbéciles qui s'étripent tout le temps. Et aujourd'hui, les chefs de gouvernement sont des trouillards. En France, il n'y a plus de règle, il suffit de voir tous les ghettos dans les grandes villes, ces immenses tours sordides où les caïds font leur loi. Même les flics n'osent plus s'y aventurer, c'est pathétique. Il faudrait mettre un bon coup de pied dans tout ça, mais les prisons sont trop petites pour cloîtrer toute cette délinquance.
Comme chaque jour, il est question des grèves des transports. Les fainéants reprennent du galon, et allez, c’est la panique chez les utilisateurs, d’autant plus que les vacances arrivent, et que les pauvres touristes voient leur sortie annuelle en station fortement compromise. Je commente chacune des nouvelles à voix haute, je peste devant le poste de télé contre notre société, contre l’humanité. Je ne supporte plus ce qu’ils sont, ce que nous sommes, je bois une autre gorgée de Martini, je ricane face à cette médiocrité, je regrette les bonnes vieilles années où seul le labeur avait de l’importance, je maudis ces cigales insatisfaites, et oui, je suis vautrée sur mon fauteuil, à médire de cette populace inapaisable, qu’est-ce que ça peut faire, j’ai donné de mon temps, moi, sans jamais me plaindre. J’ai fait des heures, et bien plus que trente-cinq par semaine, alors qu’on ne vienne pas me faire la morale, qu’on ne vienne pas me dire qu’on en faisait trop avant et que c’est normal de revendiquer plus de temps, plus de vacances, plus de… tout !
Je m’apprête à couper court avec le présentateurs, tends l’oreille à la découverte d’un virus. Tiens, il ne manquait plus que ça, après les guerres, voilà une autre maladie qui débarque. J’espère qu’il sera agressif, que ce sera un bon gros virus qui ne touche pas que les pays sous développés. Qu’il vienne un peu chez nous, qu’on lui ouvre nos frontières, et qu’il nous débarrasse de toutes ces mauvaises herbes qui pullulent et dont on ne sait plus quoi faire. Qu’il s’infiltre dans les prisons, qu’il n’épargne surtout pas le chiendent, ça fera du nettoyage.

Je me sers un deuxième verre, j'ai l'alcool mauvais, je m'en contrefous, il n'y a que moi qui en pâtis. Je m’endors avec un léger et agréable tournis, un rictus collé au coin des lèvres.

*

Yoann ralentit devant l’école, il cherche une place, croise les doigts pour en trouver à proximité de la grille d'entrée, sans grande conviction. Il a prévenu la garderie de son retard, il sait que le personnel a l’habitude, avec lui, c’est une fois sur deux. Il culpabilise, mais la plupart du temps, à cette heure, les routes sont encombrées. Le vendredi est la pire des journées pour aller chercher les filles à la sortie de l’école, il aurait préféré le lundi, mais le vendredi est le seul jour de la semaine où elle ne peut pas, et vu qu'elle doit se coltiner les quatre autres jours, il fait un effort.
Il va jusqu'au parking du supermarché pour y garer sa voiture et file au pas de course jusqu'à la garderie. L'école a repris la semaine dernière, les vacances ont été merveilleuses. Pour la première fois depuis la naissance de l'aînée, ils se sont octroyé une semaine en station, à la neige, pour le nouvel an. Ils ont réservé dans une petite station haut-savoyarde, à Praz-de-Lys. Un appartement niché au cœur du village, avec accès direct au pied des pistes, sans avoir besoin de prendre la voiture. Ils ont chaussé au pied de l'immeuble, il n'y avait que le hall d'entrée à traverser, ça a été cure de neige, de soleil et de bonne humeur. Les soirées ont été animées, ils ont fait une orgie de fondues, raclettes, jeux de société. Les filles étaient surexcitées, les petites, surtout. A leur âge, c'est normal. Aurore a quelques années de plus, elle est d'une nature plus calme, elle temporise ses sœurs. Et grâce à elle, qui ne manque pas de proposer de s'occuper de ses sœurs sur les pistes, Sabrina et Yoann ont pu s'essayer au ski de fond et se réconcilier avec ce sports qu'ils n'ont plus pratiqué depuis leur enfance. 
La famille se donnait rendez-vous à la salle hors-sac de Sommand, la station jumelée de l'autre côté du col de la Ramaz. Une pause midi rapide pour les filles, plus longues pour les parents qui avaient besoin d'un temps calme pour récupérer des efforts sur les skis. Les filles avalaient les sandwichs préparés le matin avant de repartir à l'assaut des chemins enneigés.



mercredi 25 mars 2020

Confinement: page 7

[...]

Je crois que c'est mieux comme ça, je ne le supportais plus, avec toutes ces nouvelles idées. C'est à soixante ans qu'il a décidé de changer, il n'est jamais trop tard, disait-il, le monde évolue et il est important d'évoluer avec. La retraite l'a bouleversé, il n'était plus pareil. Au début, il tournait dans tous les sens, trouvant l'appartement trop petit, cet appartement dans lequel nous avions pourtant vécu à quatre. Et voilà qu'à deux, les murs étaient devenu soudain trop étroits, l'air circulait mal, le chauffage chauffait trop. Il a cherché de nouveaux challenges, et l'environnement devint soudainement un sujet de préoccupation. A d'autres, m'étais-je moqué. Pas venant de toi, l'homme qui pendant les soixante premières années de sa vie s'est acheté des voitures, est parti en voyages, a pris les avions pour aller faire des séminaires dans tous les coins de la planète. Est allé manger presque tous les midis au restaurant, consommant, sans se soucier de son prochain, du tiers monde ou de je ne sais quoi. Une révélation, m'avait-il fait. Je lui avais répondu que je préférerais encore une bonne dépression. Notre couple a tenu un an. Un an de retraite qui a mis fin à trente-cinq ans de mariage. Désormais, je sais que notre couple a tenu si longtemps parce que nous n'étions jamais ensemble, il était par monts et par vaux, travaillait beaucoup, moi également, et nous n'étions que de passage dans cet appartement. Vivre l'un sur l'autre trois-cent-soixante-cinq jours par an a changé la donne. Je n'en suis pas plus malheureuse, les courses sont moins compliquées à faire, je ne m'occupe que de moi, de moi seule, je n'ai pas besoin de partager mon lit, je ne suis plus réveillée parce qu'il ronfle, qu'il se tourne, qu'il se réveille plus tôt ou se couche plus tard. La vie à deux, juste à deux, quand on est retraité, c'est usant. Tous les sujets de discussion ont été écumés, il n'y a plus d'enfant pour occuper le temps et l'esprit, et on sait ce qu'on veut, ce qu'on ne veut plus. Surtout ce qu'on ne veut plus. Notre certitude, c'est que nous ne voulions plus l'un de l'autre. Quand on a annoncé ça aux enfants, ils ont été surpris d'abord, nous disant de bien réfléchir, que ce n'était probablement qu'un coup de tête, qu'il fallait s'habituer à notre nouvelle vie. La retraite, ça change. Depuis notre séparation, je les vois moins. Mon mari disait de moi que j'étais acariâtre, qu'avant, j'étais quand même plus douce, plus conciliante, plus à l'écoute. Que vieillir ne me réussissait pas. Les enfants ont tenu le même discours. J'ai l'impression qu'ils se sont donné le mot, ça m'insupporte, qu'ils se mêlent de leurs affaires. Je leur ai tout donné, et voilà comment ils me remercient.
Je range la salade dans le frigo, dispose méticuleusement les yaourts sur l'étage du haut. Je place les œufs dessous, la viande au premier étage. Chaque aliment a sa place, c'est comme pour nous, nous avons tous notre place dans la société, et c'est une aberrations de penser que nous pouvons la changer tout en changeant les choses. Nous nous mentons à nous même. J'ouvre un placard pour y glisser une plaque de chocolat, je me dis que les gens sont ingrats, qu'ils se mentent tous les uns les autres.
Je vais ensuite ouvrir la fenêtre, je trouve qu'il fait trop chaud dans cet appartement. Je ne coupe pas les radiateurs, après, ils sont trop longs à se remettre en route. Il y a une dizaine d'années, le syndic voulait installer des vannes thermo-quelque-chose, pour réguler la température intérieure des appartements. Je n'en voyais pas l'utilité, l'hiver, il suffit d'ouvrir les fenêtres. Quand Christian m'a dit, l'année de sa retraite, que ça n'aurait finalement pas été une si mauvaise idée pour la planète, j'ai éclaté de rire. C'était un peu tard pour y penser, à tout ça, et puis nous n'étions pas sans argent, ça avait servi à quoi, de bosser toute une vie si c'était pour garder l'argent de côté et ne pas le dépenser comme on en avait envie ?
Ça y est, je sens la tension monter, je respire profondément pour me calmer, je vais dans le salon, j'ouvre le buffet et je saisis la bouteille de martini. Mon petit plaisir avant le repas de midi, bien qu’il soit bientôt treize heures. Je regarde le liquide noirâtre tomber dans le verre de cristal, je le remplis jusqu’à moitié et le sirote devant la télé.



mardi 24 mars 2020

Confinement : 6ème page


[...]

*


Un ballon traverse la route devant moi. Un garçon d'une dizaine d'années lui court après. J'arrête la voiture et baisse la fenêtre pour l'interpeller.
Tu as de la chance, je ne roulais pas vite. A ton âge, tu devrais savoir qu'il faut regarder avant de traverser.
Je l'ai fait, m'dame, me dit-il. J'ai vu que vous arriviez doucement.
Sa réflexion m'agace.
Tu n'as rien à faire sur la route, et les ballons, leur place est dans un stade. C'est à cause des enfants comme toi qu'il y a des accidents dans les villages.
Je n'ai pas fait exprès. Je jouais dans la cour avec un copain, et il est passé au-dessus de ma barrière.
Je lui répète que sur un stade, ce genre de choses n'arriverait pas. Il hausse les épaules et s'éclipse avec son ballon.
Je supporte de moins en moins cette jeunesse irrespectueuse, encore moins les parents qui laissent les gamins livrés à eux-mêmes. Ils feraient mieux d'aller aider leurs parents, et les parents feraient mieux de leur donner du travail.

J'enclenche la première et poursuis ma route. Ce matin, je suis allée faire des courses à la supérette. Il y a eu un changement de gérance, je n'aime pas le nouveau, il sourit trop, et les gens qui sourient trop, c'est pas bon. Il y a une arnaque quelque part. Heureusement, les produits n'ont pas augmenté, sans quoi il m'aurait entendu. C'est déjà suffisamment cher comme ça.Heureusement, les produits n'ont pas augmenté, sans quoi il m'aurait entendu. C'est déjà suffisamment cher comme ça.
J'appuie sur la télécommande lorsque j'arrive devant le garage, la porte s'ouvre automatiquement. Je range la voiture et ressort avec mon panier. Il n'est pas très lourd, je fais les courses chaque jour pour m'éviter cette contrainte : avoir des sacs encombrants et difficiles à transporter. Les déplacements en voiture facilitent la tâche, Louis me disait que j'utilisais la voiture pour pas grand-chose, il avait tout le temps un truc à redire sur mon fonctionnement. Les lampes allumées, les trajets en voiture, le lave-vaisselle mal rempli, le lave-linge à moitié vide. Des sujets de dispute constants, surtout après sa retraite. Il était devenu insupportable. Il y a quatre ans, il est parti. Il a fermé une dernière fois la porte, traînant derrière lui une petite valise avec l'essentiel. Il avait laissé tout le reste, disant qu'il n'en avait pas besoin, qu'il n'y avait qu'à le donner au secours populaire. Il voulait prendre un nouveau départ, se contenter du minimum, le changement, c'est pour maintenant, avait-il dit en me quittant. Il m'a abandonnée d'un signe de la main. Me laissant l'appartement.
Tu as rencontré quelqu'un ? lui avais-je demandé.
Oui, la raison.
T'as raison ! l'avais-je raillé. La folie, oui ! La raison t'aurait incité à rester.
Et toi, à changer.
Question de point de vue.
Effectivement, et nos points de vue divergent. La séparation, c'est lorsque nous ne sommes plus capables de nous entendre sur les choses essentielles de la vie.
Je l'avais regardé disparaître dans les escaliers. Il avait même délaissé l'ascenseur, Môssieur pensait qu'il fallait faire attention à toutes ces choses ridicules du quotidien, chaque démarche personnelle pouvait engendrer une démarche collective. Éteindre les lumières, se déplacer à pied ou à vélo. Qu'en plus, notre corps nous remercierait. Plus d'activités, donc moins de problèmes cardio-vasculaires. Môssieur était devenu philanthrope, écolo, réactionnaire. Môssieur était devenu penseur et fourmillait de bonnes pensées. Moi, je n'étais qu'une idiote. Non, m'avait-il dit, un jour, peu avant la séparation. Tu ne veux simplement pas changer, ni sortir de ta zone de confort.



lundi 23 mars 2020

Confinement: page 5


[...]
Elle ouvrit doucement la porte et avança sur la pointe des pieds. Elle aimait ce rituel du matin, s'avancer sans faire de bruit jusqu'à son lit, s'agenouiller et passer la main dans ses cheveux, attendre qu'il réagisse, qu'il ouvre un œil, qu'il la regarde, qu'il lui sourisse.
Allez, mon petit prince, c'est l'heure de se lever.
Jules mit du temps à émerger. Ses paupières paraissaient démesurément lourdes, le voir lutter pour réussir à les ouvrir fit sourire sa mère.
C'était un gros dodo, ça, hein mon joli prince ?
Il était encore encombré de sommeil, luttant entre le désir de replonger et l'urgence soudaine, quotidienne, de sa mère qui le sortait du lit.
On va où, maman, aujourd'hui ?
A l'école mon chéri. Comme hier. C'est pour ça qu'il faut se lever, s'habiller, prendre son petit-déjeuner, et puis aller voir la maîtresse, retrouver les copains et les copines.
Je veux pas, je veux rester avec toi.
Tu sais que ce n'est pas possible, mon chéri. La semaine, tu dois aller à l'école. Demain, c'est mercredi, et le mercredi, c'est chez Nounou Delphine. Mais samedi et dimanche, tu seras avec moi et papa, et on ira se promener dans la ville. Et puis ensuite, c'est les vacances.
C'est quand la semaine ? fit l'enfant.
Armée de patience, elle lui expliqua une nouvelle fois l'organisation de la semaine, lui détailla les jours, leurs noms, du lundi au dimanche, le devoir d'aller à l'école, le travail pour les adultes. Elle l'habilla en lui décrivant aussi les saisons, le printemps des bourgeons et des fleurs, l'été et ses journées chaudes, les grandes vacances, puis l'automne et ses feuilles multicolores, tombant une à une des arbres fatigués pour laisser place à l'hiver et au froid, à la neige, présente en quantité dans les montagnes, qui daignait parfois leur laisser un flocon dans la capitale. Quand Jules serait plus grand, ils iraient tous les trois faire du ski, mais pour l'instant, il n'avait que quatre ans, alors à cet âge, c'était trop dangereux.
Tu sais, Héloïse, elle dit qu'elle a déjà fait du ski, fit-il de sa petite voix, alors qu'elle l'installait à table et lui préparait une tartine de pain sans gluten.
Ses parents ne sont pas très sérieux, tu sais, il y a des activités qui sont très dangereuses quand on est petit. Le ski en fait partie. Et même les grands peuvent se faire mal, lorsqu'ils tombent, ils peuvent se casser les os, et après, on doit aller à l'hôpital.
Ça fait mal ? demanda l'enfant.
Oui, très mal. Lorsque tu te casses un os, tu ne peux plus bouger pendant plein de dodos.
Ah oui, fit-il, dubitatif. Après, on ne peut plus aller au parc, alors.
Tu as tout compris, mon champion, fit Bertrand en posant un bisou sonore sur sa joue tout en lui ébouriffant les cheveux.
Papaaaa ! s'exclama Jules en lui sautant au cou.
Allez, moustique, il faut manger pour ne pas être en retard.
Bertrand s'empara de la télécommande et alluma la télé, et tous trois mangèrent devant l'écran. Lorsqu'ils eurent terminé, Bertrand mit les bols au lave-vaisselle pendant que Sabrina finissait d'habiller le petit. La voix du présentateur résonnait dans l'appartement. Les gilets jaunes, encore eux, avaient droit à un nouveau colloque. 
Sabrina alla chercher une doudoune pour Jules. Accrochée dans le placard. Elle traversa le salon alors qu'il était question des destinations insolites durant les vacances de Noël.
Vite, mon chou, donne-moi tes bras, le pressa-t-elle en lui tendant la doudoune.
Elle remonta la fermeture, Bertrand les attendait sur le pallier.
Allez, allez, mon chéri, fit-elle en tendant son cartable au petit, papa nous attend.
Elle prit la télécommande et éteignit l'écran au moment où le présentateur parlait d'un virus chinois.
Quand est-ce qu'il vont enfin nous laisser en paix ? pensa-t-elle.
Ils verrouillèrent l'appartement à double tours et disparurent dans l'ascenseur.

*




dimanche 22 mars 2020

Confinement: page 4

[...]

Ce matin, dans le bus, le chauffeur avait mis la radio. La radio, je l'appelle la boîte à mauvaises nouvelles. Comme la télé. Comme toutes les informations de masse, parce que les médias veulent du spectaculaire, et le spectaculaire, c'est ce qui fait peur, et la peur, c'est une émotion qui permet de cadrer l'être humain, éviter qu'il ne s'émancipe trop, qu'il sache que la mort rôde toujours dans le coin, et que c'est grâce aux dirigeants qui font les lois, qui réprimandent et qui punissent, que l'on a droit à une vie meilleure. Il y a une dépendance, sans la peur, ce serait l'anarchie, parce que la plupart d'entre nous agiraient comme bon leur semble, en faisant fi des lois, du respect de l'autre. Parce que nous sommes égocentriques, c'est indéniable. Je sais, j'ai une mauvaise image de nous, mais une citation de Victor Hugo est très appropriée, elle dit : « Mes amis, retenez ceci, il n'y a ni mauvaises herbes ni mauvais hommes. Il n'y a que des mauvais cultivateurs ». Nous sommes tous fautifs et nous n'apprenons pas suffisamment les valeurs essentielles à la vie : le partage, l'altruisme, le respect de l'autre, l'amour. Nous sommes englués dans notre quotidien, dans notre désir de profiter de la vie sans faire de concession, de consommer, parce que là aussi, la mort nous guette au loin, et que, inconsciemment, nous voulons tout, tout de suite, lors de notre passage sur cette Terre.
Ce matin, j'ai eu peur, lorsqu'il a été question d'un nouveau Virus. Pourtant, c'est un classique, et ce depuis la nuit des temps. Les virus sont vieux comme le Monde, ils existent depuis des milliards d'années, ce sont les premiers organismes à être dotés d'un ARN. Des sortes de parasites qui ont besoin d'un hôte à infecter pour se développer. Sais-tu que nous en avalons des milliards chaque jour ? Comme les bactéries ? Et que comme elles, beaucoup sont bénéfiques pour notre corps ?
Mais lorsqu'on parle de Virus aux informations, ce n'est jamais bon.
J'espère qu'il ne va pas monopoliser les médias ces prochains jours, sinon, c'est mauvais signe.
Bon, je te laisse, là il est vraiment tard, mon réveil indique qu'il est deux heures du matin et même si je ne suis pas une grande dormeuse, mes yeux me piquent.

Je t'aime

*

Il observa son image dans la glace. Son visage un peu joufflu, encore gonflé par le sommeil. Les rides au coin de ses yeux, ses cheveux noirs, parsemés de quelques blancs. Il se trouva beau, sourit à son reflet, se dit qu'il avait de la chance, que rien ne manquait à sa vie. Il avait fait refaire la salle de bain le mois dernier, et franchement, c'était une réussite. Ça leur prenait de temps en temps, avec Sandra. Le besoin de refaire peau neuve, de changer une partie de la maison, comme on change un vêtement sale ou usé, de le troquer pour quelque chose de plus soyeux, au goût du jour.
Bertrand avait un bon salaire, il pouvait se permettre ce genre de choses. Un temps, Sandra s'était posé la question de continuer à travailler, surtout après la naissance de Jules, mais elle s'était dit que les journées deviendraient vite longues, entre ces quatre murs. Ils avaient alors opté pour une nounou pour garder leur enfant pendant leurs heures de boulot. Ils avaient une femme de ménage, donc à part quelques tâches ménagères, la préparation d'un repas de temps à autre (c'était assez rare, la plupart du temps, c'était des plats déjà cuisinés, une livraison à domicile ou alors un restaurant, pour prendre l'air), ils étaient disponibles à plein temps dès le retour du boulot.
Il s'aspergea énergiquement le visage à l'eau froide, regarda l'eau s'écouler dans le siphon, ferma le robinet et s'essuya. La salle de bain était parfaitement rangée, Sandra ne tarderait pas à venir elle aussi, se plaçant à côté de lui, en face de son lavabo, de son miroir. Ils avaient tous deux leur espace, de cette manière, ils pouvaient se préparer en même temps sans attendre que l'autre ait terminé. L'avantage de vivre dans un grand appartement et d'avoir suffisamment de place pour ne pas se marcher dessus.
Sandra arriva, l'embrassa rapidement sur la joue, et se plaça à ses côtés pour effectuer les mêmes gestes, les mêmes observations. Elle coiffa rapidement ses cheveux bruns, coupés au carré, releva ses cils avec du mascara, un peu de fond de teint sur les joues pour se donner bonne mine. Pinça ses lèvres et hésita à les souligner, se dit que non, le rouge aux lèvres, elle n'était pas fan. Se claqua gentiment les pommettes pour leur donner du tonus, et disparut pour aller lever le petit.


samedi 21 mars 2020

Confinement: page 3

[...]

Le travail de la terre lui avait un peu trop travaillé le dos, c'était le moins qu'on puisse dire, ses os grinçaient à chaque déplacement, et lorsqu'elle se tenait immobile, la douleur l'obligeait à se bouger. Un paradoxe qui n'admettait aucune solution. Il aurait fallu aller plus souvent chez le médecin, mais elle était de la vieille école, le médecin, elle n'y allait que dans les cas d'ultime nécessité. Deux fois en vingt ans, moins de dix durant toute sa vie. Une chose est sûre, se disait-elle, on ne peut pas m'imputer le trou de la Sécu. Elle se faisait des décoctions de grand-mère – qu'elle était – mais la potion magique avait perdu de son efficacité. Il fallait se rendre à l'évidence, elle périclitait, il ne lui restait plus beaucoup de jours à vivre, mais elle était encore là, toujours debout. Tant qu'il lui resterait un souffle de vie...
Elle se traîna jusqu'à la cuisine, sortit le pain de torchon, se mit deux tranches au grille pain. Longtemps, elle s'était contenté du minimum dans la maison, faisant absolument tout avec le grand poêle à bois qui lui servait de chauffage général, mais aussi de table de cuisson. Elle y faisait griller ses tartines, chauffer son eau. Désormais, c'était grille pain et bouilloire. Pratique, la bouilloire, en une minute l'eau était bouillante et le thé prêt. Idem pour les tartines, grillée en deux-temps trois mouvements.
Tu vieillis, ma petite, tu vieillis, tu deviens fainéante, soupira-t-elle en sirotant son thé devant la fenêtre, face au jardin nimbé d'une fine couche de givre. Elle irait retirer les cardons, enlever les dernières courges avant qu'elle ne soient définitivement perdues par le gel et récupérer quelques salades dans la serre. Elle pesta contre le soleil bas et les journées courtes d'hiver, une période qu'elle n'aimait guère.
Une heure plus tard, bien emmitouflée dans une polaire, elle prit ses gants, son bonnet et partit à l'assaut du potager. Elle fit une pause rapide à midi, poursuivit son labeur jusqu'au jour déclinant et rentra à dix-sept heures se réchauffer en face du poêle. Elle touilla les cendres avec une tige métallique et remit du bois pour nourrir le feu. Pour passer le temps, elle alluma la télé et fit des mots croisés, bercée par le bruit de fond du téléviseur.
Elle se fit une soupe et mangea en écoutant distraitement les informations du journal de 20 heures. Elle dressa l'oreille lorsque le présentateur parla d'un nouveau virus, découvert dans un pays lointain. Venant d'Afrique, d'Amérique du Sud, d'Asie, elle n'avait pas été suffisamment attentive et déjà, le présentateur était passé à un autre sujet.
Elle pensa au VIH, à la grippe, à l'hépatite C, à la fièvre jaune, au H1N1 et tous ces autres virus qui pullulaient sur la planète. Encore un, fit-elle en fermant les yeux, terrassée par la fatigue de sa journée de travail. Et demain, il aura déjà disparu.

*

C'est ma première lettre. J'avoue que je ne sais pas trop comment m'y prendre. Il n'y a pas de manuel pour ce genre d'écrit, j'imagine qu'il faut faire au ressenti, mais d'un autre côté, j'ai peur que tout cela soit trop naïf. Peut-être suis-je trop jeune pour l'écrire, mais y a-t-il une règle, un âge défini pour prendre un papier, un crayon et t'écrire ce que je ressens ?
Jusqu'à présent, j'avais un carnet, dans lequel je notais tout, ces fameux carnets secrets qu'ont toutes les filles, rose bonbon avec un cadenas minuscule, caché sous le lit, entre les lattes et le matelas. Sorti chaque soir après le dîner, avant de s'endormir. Mon confident, mon ami le plus intime, mais en le relisant, hier soir, je l'ai trouvé désuet, niais surtout, j'avais presque honte d'en avoir écrit ces pages. Ce doit être cela, mûrir, trouver certains gestes, certaines actions dépassées, comme venant d'un autre temps. Tu dois me trouver prétentieuse, je parle – enfin, j'écris – comme si j'avais déjà tout vu, tout vécu, comme si j'étais vieille et que j'avais fait les quatre cents coups. Mais c'est l'impression que ça me fait, et je crois que j'ai besoin de recommencer quelque chose de nouveau, plus abouti, plus fort, tout en étant aussi personnel. J'avais huit ans lorsque j'ai écrit les premières pages de ce carnet secret, et depuis quelques semaines, je n'arrivais plus à l'ouvrir, je n'arrivais plus à me confier. Assez paradoxal, sachant qu'il prenait tout sans me juger, il était juste là pour m'écouter, alors que toi, ce sera différent, chaque mot que je vais écrire sera lu, sera ensuite perçu selon tes idéaux de vie, tes convictions, ton ressenti. Ce ne sera pas objectif, parce que tu n'es pas moi, et que je ne suis pas toi. Tu finiras peut-être par me détester, mais au moins, j'aurai joué franc jeu, parce qu'il n'y aura pas de jeu dans cette séduction, et tu me liras comme je suis réellement, sans artifice, avec mes qualités et mes défauts. Bien sûr, j'ai peur. Peur de te perdre avant qu'il n'y ait eu un commencement. Peur de ne pas agir comme il le faudrait, et surtout, penser comme il le faudrait, ou juste penser différemment de toi. Les gens sont si différents les uns des autres, et c'est curieux car, dans cette différence, beaucoup réussissent à se trouver, à s'aimer. C'est de cette différence que nous puisons notre force, il me suffit de regarder papa et maman pour m'en convaincre. Bien sûr, je parle pour aujourd'hui, si ça se trouve, dès demain toutes mes certitudes s'effondreront, papa et maman m'avoueront qu'ils ne s'aiment plus et mon monde s'écroulera. Les adultes savent agir ainsi, cacher leurs peurs, biaiser, vivre dans le mensonge pour faire bonne figure, ou alors simplement pour protéger ceux qu'ils aiment. C'est une autre forme d'amour, éviter de faire du mal, et faire une concession à la vie et aux ambitions de jeunesse, d'un monde parfait et d'un amour éternel, enfin, tout ça, quoi !



vendredi 20 mars 2020

Confinement: page 2


[...]
Elle paie le manque de sommeil ce matin, elle sent qu'elle n'a pas de patience, et les deux tignasses blondes en profitent. Elles ressentent ce genre de choses. Elles n'ont que six et huit ans, à cet âge là, chaque brèche est exploitée.
Dans une demi-heure, elle pourra souffler, en espérant que la journée à l'école ne les ramènera pas dans un état plus délicat. La semaine dernière, avec le vent et la pluie, c'était l'enfer. Bientôt les vacances, Papa Noël va passer, elles auront leur dose de cadeaux, et l'excitation retombera. Elle le sait, c'est quasiment chaque année la même chose.
– Les filles, je vais me préparer, alors on est sage, on finit le petit-déjeuner et je veux que vous soyez prêtes quand je reviens.
Sérieusement, tu y crois, à ce que tu dis ? marmonne-t-elle en s'éclipsant dans la salle de bain. Aussitôt le dos tourné, elle les entends déjà rire aux éclats.
Elle ferme la porte. Surtout, rester calme. Sabrina, ma grande, inspire, expire, détends-toi. Fais comme si tu n'avais rien entendu.
Pour couvrir leurs rires, elle allume la radio, s'installe sur le rebord de la douche et bouquine quelques instants un magazine.
La radio grésille, huit heures, flash information. D'abord le local. En vrac : les commerçants se préparent pour la fête de la Saint-Maurice, une maison a brûlé dans le centre ville, mais aucune victime à déplorer, fermeture de la rue principale pour cause de travaux, réunion extraordinaire du conseil municipal. Sabrina décroche, trop concentrée par son magazine. Les infos du Monde lui parviennent comme une mélodie dont elle ne comprend aucune parole. Grève aérienne prolongée, rencontre du président américain avec son homologue russe, nouvelle découverte dans le système solaire, et puis un virus fraîchement identifié par des chercheurs, dont on ignore encore la virulence sur l'être humain...

*

Henriette traîna sa vieille carcasse dans la salle de bain. Un rituel auquel elle s'employait chaque matin, avec toujours un peu plus de difficulté. La sortie du lit était laborieuse, il fallait tout d'abord qu'elle se concentre sur chacun de ses muscles, qu'elle se détende en même temps, un conflit imposé à son corps, qui lui demandait énormément de concentration et d'énergie. En premier lieu, relâcher son dos et ses épaules, ensuite se mettre en tension, sur les coudes, pour relever son buste, continuer sa poussée tout en déplaçant l'ensemble du corps de manière à placer les jambes au bord du lit. Faire tomber les pieds, geste qui entraînait tout le bas jusqu'aux genoux. Faire attention à ne pas entraîner la partie haute, le bassin et le reste. S'asseoir ensuite dans la douleur, et sentir cette douleur envahir tout le corps, du cou à la pointe des orteils, en passant par les articulations, sans laisser aucune d'entre elles au repos. L'arthrose, l'arthrite, les rhumatismes, les douleurs articulaires, tant de noms pour une seule cause : la vieillesse.
Henriette était rattrapée par son squelette de quatre-vingt-cinq ans, c'était assez dur à accepter, elle qui avait toujours été pleine d'entrain. Sa motivation déclinait au fil des ans, même le potager avait été réduit. Lorsqu'elle avait été à la retraite, elle avait passé ses journées entières dans le jardin, de l'aube au coucher du soleil. A bêcher la terre, la nourrir, enlever les mauvaises herbes, faire les semis, arroser, arracher les mauvaises herbes, arroser encore, arracher toujours, et puis récolter. Le jardin était immense, magnifique. Bien trop grand pour elle seule, alors Henriette donnait les majeure partie à son entourage, famille, amis, connaissances, n'en gardant qu'une infime partie, suffisante pour tenir jusqu'au printemps suivant. Elle avait acheté trois congélateurs, elle faisait de nombreuses conserves. Ça lui suffisait à vivre en quasi autarcie. Elle avait trois poules, des lapins, deux chèvres. Un chat qui passait plus de temps à dormir en haut d'un placard qu'à aller chasser les souris dehors. Et c'était à peu près tout.



jeudi 19 mars 2020

Confinement : Jour 1

Livre promis, livre dû. Voilà la toute première page du livre.
Bonne lecture, et à demain pour la deuxième. J'ai déjà la pression, va falloir que je trouve rapidement les idées, même si j'ai déjà quelques pages d'avance ;o)


Allez, les enfants, on se dépêche !
Mais, mamaaannnn...
L'objection des petits est coupée par un nouveau sermon de leur mère.
Combien de fois vous l'ai-je répété ?! s'exclame-t-elle. D'abord on s'habille, ensuite on vient manger, et seulement après, si il reste du temps, on peut jouer.
Les deux filles trépignent, puis viennent à table.
Dis, maman, est-ce qu'on pourra aller jouer chez Alice, après l'école ?
Non, après l'école, c'est les devoirs.
Et après les devoirs ?
Après les devoirs, ce sera trop tard. Vous savez bien que le soleil se couche tôt en ce moment, et donc qu'il fait nuit trop rapidement pour jouer dehors.
Pourquoi il fait nuit tôt ? demandent les filles en chœur.
Parce que c'est l'hiver, et qu'en plus, on change d'heure pendant l'hiver et donc il fait nuit encore plus tôt.
C'est nul ! fait la plus jeune.
– Oui, c'est nul ! reprend sa sœur. J'aime pas l'hiver. Et j'aime pas le changement d'heure.
– Hé, schtroumpfettes grognonnes, si ça vous plaît pas, adressez-vous au ministère, faites lui part de vos ressentiments, proposez-lui des solutions tout en mettant en balance les côtés positifs et le négatif, trouvez une argumentation concise mais efficace, adressez-lui vos cordiales salutations, et peut-être, je dis bien peut-être, vous aurez une chance de trouver une oreille attentive à vos revendications.
Les deux sœurs regardent leur mère avec de grands yeux, et la maman, satisfaite de leur avoir cloué le bec, continue de ranger le plan de travail.
– Dis maman...
– Quoi encore ?
– Elle est déjà partie, Aurore ?
Sabrina regarde sa fille en fonçant les sourcils.
– Oui, comme tous les matins à cette heure-ci. Dis, Louise, tu n'oublieras pas de coiffer ta tignasse avant de partir à l'école.
– Non, c'est toi qui le fais.
– Sûrement pas. Même ta sœur se coiffe toute seule, et pourtant, elle a deux ans de moins que toi.
Louise, piquée dans son orgueil, tire une magnifique langue à sa sœur.
– Maman ! s'exclame alors Jeanne. Louise m'a tiré la langue.
– Non, c'est pas vrai, fait l'autre.
Nouvelle mimique à l'égard de la petite.
– Si, c'est vrai.
– Non, c'est...
– STTOOOOP ! hurle Sabrina. Stop, les filles. Par pitié, un peu de répit. Faites un effort, au moins le matin. Laissez-moi respirer, digérer mon petit-déjeuner en silence pendant que vous prenez le vôtre. Je ne vous demande pas la lune, juste un moment calme.
Jeanne se tourne alors vers Louise et chuchote :
– Pourquoi maman parle de la lune ?
– Aucune idée, peut-être qu'elle n'a pas assez dormi.
– Ah...
Sabrina soupire, effectivement, elle n'a pas assez dormi. Un mal de tête l'a réveillée en pleine nuit, elle s'est levée prendre un cachet, et ensuite, insomnie pendant une heure. Yoann en a rajouté une couche et a fait la locomotive, elle n'a pas osé le réveiller. D'habitude, elle ne se gêne pas, elle siffle, et si ça ne suffit pas, un petit coup dans les côtes, ni vu, ni connu, il se réveille, ronchonne, se tourne, et avec de la chance, se rendort sans ronfler. Mais depuis une semaine, il rentre tard du boulot, alors elle le laisse récupérer. Elle l'a regardé dormir, se disant qu'elle avait un joli mari aux cheveux blonds comme le sable, qui lui avait fait trois jolies filles gentilles et aimantes, et que la vie était belle même s'il y avait parfois des bas, parce que les hauts les faisaient oublier et que c'était ça le bonheur, voir que la balance à la fin d'une journée, d'une semaine, d'un mois, penchait toujours dans le positif.



mercredi 18 mars 2020

CONFINEMENT

Drôle de titre pour un article.
Aujourd'hui, sachant que tout le monde est dans le même cas, j'ai fait tourner mes neurones, et je me suis dit "Tiens, si j'allais écrire un truc là-dessus".
Vu que vous êtes cloîtrés chez vous, que vous trouvez le temps long, et que j'aime bien les défis, je vais essayer, chaque jour, d'écrire une page d'un nouveau roman, écrit pour cette occasion particulière. 
Forcément, ça ne va pas être parfait, peut-être qu'il y aura des loupés, des incohérences, d'autant plus qu'en général, j'aime bien réfléchir à la trame d'un roman avant de le mettre en page, mais du coup, ce sera le suspens, autant pour vous que pour moi.
Impossible de vous dire quel type de livre ce sera, un polar, un roman noir, de la science fiction, s'il y aura un monstre, s'ils s'aimèrent tous et eurent de beaux enfants, si ce sera la fin du Monde.
Bref, il faudra juste lire, et j'espère pouvoir me tenir -au mieux- à ce petit jeu.
Première page à lire dès demain...



mardi 17 mars 2020

VICTOOOOOOOIIIIIIIIIRE au Marathon des Glières?

Depuis le temps que je l'attendais, celle là. Des mois, des années. Tout le monde n'avait plus que ça à la bouche, quand, enfin, allais-je gagner le marathon des Glières?!
Je savais que ce n'était qu'une question de temps, de persévérance, que même si la chance avait une part dans tout ça, ma pugnacité aurait raison du mauvais sort.
Longtemps, j'ai cru qu jamais, au grand jamais, je ne pourrais inscrire mon nom au palmarès de ce Marathon. Ce n'était qu'une histoire de patience.
Alors voilà, en ce dimanche 15 mars, j'ai pris mes skis, mes bâtons, mes lunettes, et puis mon bonnet orange, qui ne me quitte pas sur les courses depuis que je me suis lancé sur les longues distances.
Accompagné de mes deux enfants de quatre et cinq ans,  j'ai pris le départ, avec ma gourde Fenioux. En chemin, j'ai mangé deux-trois Cr'oc&Go.
J'étais bien. Très bien. Malheureusement, les petits me suivaient sans me lâcher, alors pour durcir la tâche, je suis parti dans les Mouilles, LA fameuse montée de fin de marathon.
Les petits étaient plein d'énergie, et malgré de nombreuses accélérations, ils sont restés collés à mes basques.
En haut, nous étions encore trois à nous disputer la victoire.
J'ai commencé à avoir peur, voyant se profiler une nouvelle 2ème place à l'issue de la descente. Tout s'est joué au jeter de pied, et pour éviter une crise dans le trajet du retour, il a fallu se résoudre à les laisser gagner.
Voilà donc la seule et unique raison pour laquelle vous n'avez rien vu cette année me concernant lors du Marathon des Glières.
Il va donc falloir reprendre le chemin de l'entraînement, enquiller des heures et des heures pour espérer -enfin- une victoire aux Glières.