Sabrina remet l'éponge sur le bord de l'évier, regarde si tout est
en place. Elle tient à ce que ce que la cuisine soit à peu près propre au moment d'aller
se coucher, se lever avec du bazar lui donne le cafard. Pas évident
avec les enfants qui mettent tout sens dessus-dessous chaque jour.
Jeanne commence à faire attention, elle est relativement ordonnée, malgré son jeune âge.
Par contre, Louise, c'est une autre paire de manches. Il faut sans
arrêt être derrière elle, l'obliger à ranger ce qu'elle a sorti
précédemment.
–
On va toujours chez tes cousins, ce
week-end ?
Yoann ne dit rien, il regarde le plafond de la chambre, allongé sur
le dos, les bras croisés derrière la tête. Sabrina est allongée
contre lui, elle lui caresse tendrement le cou. Il ne répond pas, il
est pensif.
–
Ce serait bien qu'on ait aussi un
moment tous les deux. Hier, j'ai rêvé d'une semaine rien que pour
nous. Tu m'avais emmenée voir les châteaux de la Loire, et nous
faisions du vélo le long du fleuve. Au réveil, j'étais encore en
train de sourire, et cette sensation de bien être ne m'a pas quittée
de le journée. Je me suis dit que ce serait bien qu'on ait des
vacances à nous, juste toi et moi. Tu pourrais demander à tes
parents ?
Il réfléchit à sa question, se demande depuis combien de temps ils
n'ont pas eu des vacances sans les filles. Sans avoir à préparer à
manger, à lire des histoires, à occuper le temps et l'espace des
filles, au moins pendant deux jours. La naissance de Jeanne ?
Avant ?
Désormais,
ils peuvent s'octroyer des sorties cinéma, un restaurant, Aurore
garde ses deux sœurs pendant la soirée.
Effectivement, ce serait
bien, avoir un véritable tête à tête, flâner au lit le matin
sans avoir à s'occuper des deux dernières, ne pas avoir de cris
pendant une journée, parce que les filles se chamaillent, que l'une
veut le jouet de l'autre, que tout à coup, elles ont décrété
qu'elles ne s'aiment plus, que Louise n'est plus sa copine,
que Jeanne vient alors en pleurs, qu'il faut la consoler.
Aurore prend souvent ses deux sœurs dans sa chambre, elle sait les
canaliser, leur donnant du travail à faire. Un dessin, un jeu de
construction, des origamis. Elle est devenue un troisième pilier
pour la famille, et les parents la remercient de son soutien. Leurs
grands-parents appréhendent de les garder, Louise et Jeanne sont
trop énergiques, mais elles ont changé, grandi, et il est
indéniable que la présence de l'aînée sera rassurante pour eux.
–
Je les appellerai, concède-t-il. Je
pense qu'ils seront d'accord.
–
Ce serait chouette, murmure-t-elle.
Nous pourrons faire des énormes grasse matinée. Et puis aussi nous
balader tout nu dans notre logement, sans avoir peur qu'une paire
d'yeux nous observe, fait-elle en descendant sa main le long de son
torse.
–
Ah, si tu me prends par les
sentiments, je ne leur proposerai pas, je leur imposerai.
Il rabat la couverture sur elle d'un geste brusque et poursuit le jeu
qu'elle vient de lui suggérer.
*
L’hiver
était une période difficile pour Henriette. Les jours courts, le
peu de luminosité, les brouillards parfois persistants… Depuis
peu, la météo avait une influence sur son moral, c’était
indéniable. Il fut un temps où elle avait aimé cette saison froide
et enneigée, mais depuis bon nombre d’années, le manteau neigeux
se faisait désirer. Il n’y avait qu’à éplucher son petit
carnet à spirales pour s’en rendre compte. C’était une manie
chez elle, héritée de son père. Chaque jour, elle notait les
températures au lever, à midi, au coucher, la pluviométrie, la
quantité de neige au sol lorsqu’elle s’arrêtait de tomber. Elle
faisait des courbes, des statistiques, elle jouait avec les nombres.
Et
puis la neige était si belle, lorsqu’elle recouvrait le paysage de
sa fourrure glacée. Elle donnait une seconde vie, éphémère, à la
nature austère, aux arbres décharnés, à l’herbe brûlée par
les gelées matinales.
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