[...]
Elle ouvrit doucement la porte et avança sur la pointe des pieds.
Elle aimait ce rituel du matin, s'avancer sans faire de bruit jusqu'à
son lit, s'agenouiller et passer la main dans ses cheveux, attendre
qu'il réagisse, qu'il ouvre un œil, qu'il la regarde, qu'il lui
sourisse.
–
Allez, mon petit prince, c'est
l'heure de se lever.
Jules mit du temps à émerger. Ses paupières paraissaient
démesurément lourdes, le voir lutter pour réussir à les ouvrir
fit sourire sa mère.
–
C'était un gros dodo, ça, hein mon
joli prince ?
Il était encore encombré de sommeil, luttant entre le désir de
replonger et l'urgence soudaine, quotidienne, de sa mère qui le
sortait du lit.
–
On va où, maman, aujourd'hui ?
A l'école mon chéri. Comme hier. C'est pour ça qu'il faut se
lever, s'habiller, prendre son petit-déjeuner, et puis aller voir la
maîtresse, retrouver les copains et les copines.
–
Je veux pas, je veux rester avec
toi.
–
Tu sais que ce n'est pas possible,
mon chéri. La semaine, tu dois aller à l'école. Demain, c'est
mercredi, et le mercredi, c'est chez Nounou Delphine. Mais samedi et
dimanche, tu seras avec moi et papa, et on ira se promener dans la
ville. Et puis ensuite, c'est les vacances.
–
C'est quand la semaine ? fit
l'enfant.
Armée de patience, elle lui expliqua une nouvelle fois
l'organisation de la semaine, lui détailla les jours, leurs noms, du
lundi au dimanche, le devoir d'aller à l'école, le travail pour les
adultes. Elle l'habilla en lui décrivant aussi les saisons, le
printemps des bourgeons et des fleurs, l'été et ses journées
chaudes, les grandes vacances, puis l'automne et ses feuilles
multicolores, tombant une à une des arbres fatigués pour laisser
place à l'hiver et au froid, à la neige, présente en quantité
dans les montagnes, qui daignait parfois leur laisser un flocon dans
la capitale. Quand Jules serait plus grand, ils iraient tous les
trois faire du ski, mais pour l'instant, il n'avait que quatre ans,
alors à cet âge, c'était trop dangereux.
–
Tu sais, Héloïse, elle dit qu'elle
a déjà fait du ski, fit-il de sa petite voix, alors qu'elle
l'installait à table et lui préparait une tartine de pain sans
gluten.
–
Ses parents ne sont pas très
sérieux, tu sais, il y a des activités qui sont très dangereuses
quand on est petit. Le ski en fait partie. Et même les grands
peuvent se faire mal, lorsqu'ils tombent, ils peuvent se casser les
os, et après, on doit aller à l'hôpital.
–
Ça fait mal ? demanda
l'enfant.
–
Oui, très mal. Lorsque tu te casses
un os, tu ne peux plus bouger pendant plein de dodos.
–
Ah oui, fit-il, dubitatif. Après,
on ne peut plus aller au parc, alors.
–
Tu as tout compris, mon champion,
fit Bertrand en posant un bisou sonore sur sa joue tout en lui
ébouriffant les cheveux.
–
Papaaaa ! s'exclama Jules en
lui sautant au cou.
–
Allez, moustique, il faut manger
pour ne pas être en retard.
Bertrand s'empara de la télécommande et alluma la télé, et tous
trois mangèrent devant l'écran. Lorsqu'ils eurent terminé,
Bertrand mit les bols au lave-vaisselle pendant que Sabrina finissait
d'habiller le petit. La voix du présentateur résonnait dans
l'appartement. Les gilets jaunes, encore eux, avaient droit à un
nouveau colloque.
Sabrina alla chercher une doudoune pour Jules.
Accrochée dans le placard. Elle traversa le salon alors qu'il était
question des destinations insolites durant les vacances de Noël.
–
Vite, mon chou, donne-moi tes bras,
le pressa-t-elle en lui tendant la doudoune.
Elle remonta la fermeture, Bertrand les attendait sur le pallier.
–
Allez, allez, mon chéri, fit-elle
en tendant son cartable au petit, papa nous attend.
Elle prit la télécommande et éteignit l'écran au moment où le
présentateur parlait d'un virus chinois.
Quand
est-ce qu'il vont enfin nous laisser en paix ? pensa-t-elle.
Ils verrouillèrent l'appartement à double tours et disparurent dans
l'ascenseur.
*
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