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mercredi 25 mars 2020

Confinement: page 7

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Je crois que c'est mieux comme ça, je ne le supportais plus, avec toutes ces nouvelles idées. C'est à soixante ans qu'il a décidé de changer, il n'est jamais trop tard, disait-il, le monde évolue et il est important d'évoluer avec. La retraite l'a bouleversé, il n'était plus pareil. Au début, il tournait dans tous les sens, trouvant l'appartement trop petit, cet appartement dans lequel nous avions pourtant vécu à quatre. Et voilà qu'à deux, les murs étaient devenu soudain trop étroits, l'air circulait mal, le chauffage chauffait trop. Il a cherché de nouveaux challenges, et l'environnement devint soudainement un sujet de préoccupation. A d'autres, m'étais-je moqué. Pas venant de toi, l'homme qui pendant les soixante premières années de sa vie s'est acheté des voitures, est parti en voyages, a pris les avions pour aller faire des séminaires dans tous les coins de la planète. Est allé manger presque tous les midis au restaurant, consommant, sans se soucier de son prochain, du tiers monde ou de je ne sais quoi. Une révélation, m'avait-il fait. Je lui avais répondu que je préférerais encore une bonne dépression. Notre couple a tenu un an. Un an de retraite qui a mis fin à trente-cinq ans de mariage. Désormais, je sais que notre couple a tenu si longtemps parce que nous n'étions jamais ensemble, il était par monts et par vaux, travaillait beaucoup, moi également, et nous n'étions que de passage dans cet appartement. Vivre l'un sur l'autre trois-cent-soixante-cinq jours par an a changé la donne. Je n'en suis pas plus malheureuse, les courses sont moins compliquées à faire, je ne m'occupe que de moi, de moi seule, je n'ai pas besoin de partager mon lit, je ne suis plus réveillée parce qu'il ronfle, qu'il se tourne, qu'il se réveille plus tôt ou se couche plus tard. La vie à deux, juste à deux, quand on est retraité, c'est usant. Tous les sujets de discussion ont été écumés, il n'y a plus d'enfant pour occuper le temps et l'esprit, et on sait ce qu'on veut, ce qu'on ne veut plus. Surtout ce qu'on ne veut plus. Notre certitude, c'est que nous ne voulions plus l'un de l'autre. Quand on a annoncé ça aux enfants, ils ont été surpris d'abord, nous disant de bien réfléchir, que ce n'était probablement qu'un coup de tête, qu'il fallait s'habituer à notre nouvelle vie. La retraite, ça change. Depuis notre séparation, je les vois moins. Mon mari disait de moi que j'étais acariâtre, qu'avant, j'étais quand même plus douce, plus conciliante, plus à l'écoute. Que vieillir ne me réussissait pas. Les enfants ont tenu le même discours. J'ai l'impression qu'ils se sont donné le mot, ça m'insupporte, qu'ils se mêlent de leurs affaires. Je leur ai tout donné, et voilà comment ils me remercient.
Je range la salade dans le frigo, dispose méticuleusement les yaourts sur l'étage du haut. Je place les œufs dessous, la viande au premier étage. Chaque aliment a sa place, c'est comme pour nous, nous avons tous notre place dans la société, et c'est une aberrations de penser que nous pouvons la changer tout en changeant les choses. Nous nous mentons à nous même. J'ouvre un placard pour y glisser une plaque de chocolat, je me dis que les gens sont ingrats, qu'ils se mentent tous les uns les autres.
Je vais ensuite ouvrir la fenêtre, je trouve qu'il fait trop chaud dans cet appartement. Je ne coupe pas les radiateurs, après, ils sont trop longs à se remettre en route. Il y a une dizaine d'années, le syndic voulait installer des vannes thermo-quelque-chose, pour réguler la température intérieure des appartements. Je n'en voyais pas l'utilité, l'hiver, il suffit d'ouvrir les fenêtres. Quand Christian m'a dit, l'année de sa retraite, que ça n'aurait finalement pas été une si mauvaise idée pour la planète, j'ai éclaté de rire. C'était un peu tard pour y penser, à tout ça, et puis nous n'étions pas sans argent, ça avait servi à quoi, de bosser toute une vie si c'était pour garder l'argent de côté et ne pas le dépenser comme on en avait envie ?
Ça y est, je sens la tension monter, je respire profondément pour me calmer, je vais dans le salon, j'ouvre le buffet et je saisis la bouteille de martini. Mon petit plaisir avant le repas de midi, bien qu’il soit bientôt treize heures. Je regarde le liquide noirâtre tomber dans le verre de cristal, je le remplis jusqu’à moitié et le sirote devant la télé.



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