C'est le moment des informations, celui où tout le ridicule de la
planète défile en un laps de temps formaté. Et voici venu le temps
de la décadence.
La planète est peuplée d'imbéciles qui s'étripent tout le temps.
Et aujourd'hui, les chefs de gouvernement sont des trouillards. En
France, il n'y a plus de règle, il suffit de voir tous les ghettos
dans les grandes villes, ces immenses tours sordides où les caïds
font leur loi. Même les flics n'osent plus s'y aventurer, c'est
pathétique. Il faudrait mettre un bon coup de pied dans tout ça,
mais les prisons sont trop petites pour cloîtrer toute cette
délinquance.
Comme
chaque jour, il est question des grèves des transports. Les
fainéants reprennent du galon, et allez, c’est la panique chez les
utilisateurs, d’autant plus que les vacances arrivent, et que les
pauvres touristes voient leur sortie annuelle en station fortement
compromise. Je commente chacune des nouvelles à voix haute, je peste
devant le poste de télé contre notre société, contre l’humanité.
Je ne supporte plus ce qu’ils sont, ce que nous sommes, je bois une
autre gorgée de Martini, je ricane face à cette médiocrité, je
regrette les bonnes vieilles années où seul le labeur avait de
l’importance, je maudis ces cigales insatisfaites, et oui, je suis
vautrée sur mon fauteuil, à médire de cette populace inapaisable,
qu’est-ce que ça peut faire, j’ai donné de mon temps, moi, sans
jamais me plaindre. J’ai fait des heures, et bien plus que
trente-cinq par semaine, alors qu’on ne vienne pas me faire la
morale, qu’on ne vienne pas me dire qu’on en faisait trop avant
et que c’est normal de revendiquer plus de temps, plus de vacances,
plus de… tout !
Je
m’apprête à couper court avec le présentateurs, tends l’oreille
à la découverte d’un virus. Tiens, il ne manquait plus que ça,
après les guerres, voilà une autre maladie qui débarque. J’espère
qu’il sera agressif, que ce sera un bon gros virus qui ne touche
pas que les pays sous développés. Qu’il vienne un peu chez nous,
qu’on lui ouvre nos frontières, et qu’il nous débarrasse de
toutes ces mauvaises herbes qui pullulent et dont on ne sait plus
quoi faire. Qu’il s’infiltre dans les prisons, qu’il n’épargne
surtout pas le chiendent, ça fera du nettoyage.
Je me
sers un deuxième verre, j'ai l'alcool mauvais, je m'en contrefous, il n'y a que moi qui en pâtis. Je m’endors avec un léger et agréable
tournis, un rictus collé au coin des lèvres.
*
Yoann
ralentit devant l’école, il cherche une place, croise les doigts
pour en trouver à proximité de la grille d'entrée, sans grande
conviction. Il a prévenu la garderie de son retard, il sait que le
personnel a l’habitude, avec lui, c’est une fois sur deux. Il
culpabilise, mais la plupart du temps, à cette heure, les routes
sont encombrées. Le vendredi est la pire des journées pour aller
chercher les filles à la sortie de l’école, il aurait préféré
le lundi, mais le vendredi est le seul jour de la semaine où elle ne
peut pas, et vu qu'elle doit se coltiner les quatre autres jours, il
fait un effort.
Il va
jusqu'au parking du supermarché pour y garer sa voiture et file au
pas de course jusqu'à la garderie. L'école a repris la semaine
dernière, les vacances ont été merveilleuses. Pour la première
fois depuis la naissance de l'aînée, ils se sont octroyé une
semaine en station, à la neige, pour le nouvel an. Ils ont réservé
dans une petite station haut-savoyarde, à Praz-de-Lys. Un
appartement niché au cœur du village, avec accès direct au pied
des pistes, sans avoir besoin de prendre la voiture. Ils ont chaussé
au pied de l'immeuble, il n'y avait que le hall d'entrée à
traverser, ça a été cure de neige, de soleil et de bonne humeur.
Les soirées ont été animées, ils ont fait une orgie de fondues,
raclettes, jeux de société. Les filles étaient surexcitées, les
petites, surtout. A leur âge, c'est normal. Aurore a quelques années
de plus, elle est d'une nature plus calme, elle temporise ses sœurs.
Et grâce à elle, qui ne manque pas de proposer de s'occuper de ses
sœurs sur les pistes, Sabrina et Yoann ont pu s'essayer au ski de
fond et se réconcilier avec ce sports qu'ils n'ont plus pratiqué
depuis leur enfance.
La famille se donnait rendez-vous à la salle
hors-sac de Sommand, la station jumelée de l'autre côté du col de
la Ramaz. Une pause midi rapide pour les filles, plus longues pour
les parents qui avaient besoin d'un temps calme pour récupérer des
efforts sur les skis. Les filles avalaient les sandwichs préparés
le matin avant de repartir à l'assaut des chemins enneigés.
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