Hier, le président a
annoncé un confinement général. Avec interdiction de sortir de
chez soi. Un véritable défi, a-t-il expliqué, et pour le bien de
tous, je vous demanderai de respecter ces mesures préventives, afin
d'éviter la propagation du Virus.
A la maison, ça faisait
longtemps qu'on n'avait pas eu un temps de repos, c'était l'occasion
de nous retrouver. On a bien expliqué aux petits que demain, il n'y
aurait pas école, alors il fallait faire la grasse matinée.
Au milieu de la nuit, mon
mari s'est approché de moi. Sport de chambre, a-t-il fait avec un
grand sourire, histoire de fêter notre jour de repos à venir.
J'ai trouvé l'idée
sympa, ça m'a rappelé nos premières fois.
A l'aube, on a remis ça.
« Un coup de jeune » m'a-t-il fait en riant.
Un coup tout court, ai-je
pensé. J'ai laissé faire, pour le côté nostalgique, des fois, ça
fait du bien de se retrouver comme à nos vingt ans.
On s'est rendormi.
Le réveil indique 6h30,
les enfants viennent sauter dans notre lit. Super, on n'a pas
école ! braillent-ils en boucle. La grasse matinée, on
avait dit, les enfants...
Alors on s'est levé,
avant les horaires classiques d'école. A sept heures, le petit déj
est bouclé. Les enfants poussent leur chansonnette en courant dans
tous les sens On n'a pas école, on n'a pas école !...
Je
leur explique qu'il y aura quand-même des devoirs à faire à la
maison. Ça sera vite fait, d'autant plus qu'avec la maîtresse, ce
n'est pas évident. On a été convoqués la semaine dernière,
soi-disant que nos enfants ne sont pas studieux. On lui a répondu
qu'elle devait mal s'y prendre.
A 9 heures, les enfants
sont au bain. C'est le jour du changement. D'habitude, on leur fait
prendre le soir à la va-vite. Là au moins, ils en profitent.
Mon mari me fait un clin
d’œil et me dit que pendant ce temps, on peut s'octroyer un petit
plaisir. Je ne lui dis pas non. Je me dis que c'est le changement, le
confinement, que ça doit le travailler, mais je regrette déjà
l'idée du bain.
Une heure plus tard, je
pense que le mieux, c'est de faire les devoirs tout de suite, comme
ça, on n'en parle plus pour le reste de la journée. C'est la
première fois qu'ils doivent travailler à la maison, je trouve ça
drôle. Il y a une chanson à apprendre, un peu d'histoire, et des
mathématiques. Mon mari se propose de se muer en instituteur. Tu
verras, en moins de cinq minutes, ce sera terminé.
L'horloge sonne onze
fois. Il jette l'éponge. Il me dit que la maîtresse avait peut-être
raison, pour les petits. Ils ont du mal à se concentrer. Je sens une
pointe de colère monter en moi.
Tu ne sais pas faire, lui
dis-je. Je vais m'en occuper moi-même.
Il est midi. Les petits
ne veulent rien entendre. J'imagine que c'est à cause du changement.
Le confinement, ça doit les travailler aussi. On va réessayer
l'après-midi.
A treize heures, Les
petits sont au lit pour la sieste. Mon mari me fait un clin d’œil.
Ah, tiens, lui dis-je en
feignant de ne pas comprendre, les petits sont déjà réveillés ?!
Après avoir subi le
quatrième assaut, j'ai peur du cinquième, alors je fais beaucoup de
bruit pour réveiller la tribu. Il n'est que quatorze heures.
J'essaie de refaire le travail scolaire.
Il ne se passe pas une
heure avant que j'écrive un mot à la maîtresse, je lui dis qu'elle
avait peut-être raison, nos enfants ne sont pas si faciles que ça.
Il est bientôt l'heure
du goûter.
Mon mari laisse traîner
une main sur mes fesses. Je commence à avoir des idées violentes.
Je me précipite sur les enfants, pour réessayer de les faire
travailler. Place au couplet de chanson à apprendre.
C'est le printemps qui
jette
Partout des
pâquerettes
C'est le printemps
fleuri-fleurant
Qui fait venir les
fleurs des champ
Au bout d'une demi-heure,
ils ne connaissent toujours pas la première phrase. Leur papa s'y
essaie à son tour.
Je les observe en train
de s'emmêler les pinceaux, C'est le printemps des champs, les
fleurs des pâquerettes...
Mon
mari me demande si ce sont bien les nôtres. Tu sais, me fait-il, il
paraît qu'aujourd'hui encore, il y a des échanges à la maternité.
Une
autre demi-heure passe, mais qu'est-ce que vient foutre l'automne
dans la poésie ?
Ils sont peut-être
débiles ? en fait.
Je décide de passer aux
maths.
Trois plus un ?
J'ai droit à tout.
Trente et un. Deux. Trois
cent un.
Je leur dit qu'à chaque mauvaise réponse, je mets une baffe.
Au bout d'un moment, j'arrête, j'ai la main en feu.
Mon mari propose un pause, et qu'ils aillent
dans le jardin. Un sourire malicieux traîne sur ses lèvres. Essaie
seulement, tiens... Je commence à me dire qu'il doit être lui aussi
un peu débile, finalement.
On oublie donc le jardin,
et on passe au cours d'histoire.
Les enfants me disent
avec sérieux qu'ils connaissent déjà la préhistoire parce que
moi, leur maman, je suis née quand il y avait les dinosaures. Je
comprends alors que la débilité est génétique, tel père, tels
enfants.
A dix-huit heures, je les
envoie tous les trois dehors, de force. J'astique compulsivement le
plan de travail pour passer mes nerfs. Les petits reviennent crottés
comme pas possible. Je repense à ma bonne idée du bain du matin. Je
propose gentiment à leur père de s'en occuper, j'ai peur qu'il y
ait des noyades, sinon.
Le carillon de l'église
résonne, il est dix-neuf heures. Les enfants sont au lit. Jamais ils
ne l'ont été aussi tôt. A la place des câlins, j'ai fait une
tournée de baffes. Bien fait, les mômes. Pour changer de la petite
histoire douce du soir et de la berceuse qui va avec, je leur ai
raconté celle des monstres avec les grandes dents qui arrachent les
yeux et les oreilles, qui tranchent la gorge et qui bouffent les
intestins.
Ils en pleurent encore et
moi, je rigole compulsivement.
A vingt heures, mon mari
hurle et fait des bons dans toute la maison. Par mesure de
précaution, j'avais mis une tapette à souris dans ma culotte. Bien
fait pour TA BI..
ta gueule.
Je
lui annonce qu'il avait raison, les enfants sont de lui, mais pas de
moi.
Comment
est-ce possible ? Je ne sais pas, les mystères de la vie...
Il
est bientôt minuit, j'ai peur d'être demain. J'ai écrit une longue
lettre au président. Je lui ai dit que pour le bien de tous, ce
serait judicieux de mettre fin au confinement rapidement, parce que
bientôt, il n'y aura plus beaucoup de confinés, par contre, niveau
cons finis, on va atteindre des sommets.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire