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vendredi 20 mars 2020

Confinement: page 2


[...]
Elle paie le manque de sommeil ce matin, elle sent qu'elle n'a pas de patience, et les deux tignasses blondes en profitent. Elles ressentent ce genre de choses. Elles n'ont que six et huit ans, à cet âge là, chaque brèche est exploitée.
Dans une demi-heure, elle pourra souffler, en espérant que la journée à l'école ne les ramènera pas dans un état plus délicat. La semaine dernière, avec le vent et la pluie, c'était l'enfer. Bientôt les vacances, Papa Noël va passer, elles auront leur dose de cadeaux, et l'excitation retombera. Elle le sait, c'est quasiment chaque année la même chose.
– Les filles, je vais me préparer, alors on est sage, on finit le petit-déjeuner et je veux que vous soyez prêtes quand je reviens.
Sérieusement, tu y crois, à ce que tu dis ? marmonne-t-elle en s'éclipsant dans la salle de bain. Aussitôt le dos tourné, elle les entends déjà rire aux éclats.
Elle ferme la porte. Surtout, rester calme. Sabrina, ma grande, inspire, expire, détends-toi. Fais comme si tu n'avais rien entendu.
Pour couvrir leurs rires, elle allume la radio, s'installe sur le rebord de la douche et bouquine quelques instants un magazine.
La radio grésille, huit heures, flash information. D'abord le local. En vrac : les commerçants se préparent pour la fête de la Saint-Maurice, une maison a brûlé dans le centre ville, mais aucune victime à déplorer, fermeture de la rue principale pour cause de travaux, réunion extraordinaire du conseil municipal. Sabrina décroche, trop concentrée par son magazine. Les infos du Monde lui parviennent comme une mélodie dont elle ne comprend aucune parole. Grève aérienne prolongée, rencontre du président américain avec son homologue russe, nouvelle découverte dans le système solaire, et puis un virus fraîchement identifié par des chercheurs, dont on ignore encore la virulence sur l'être humain...

*

Henriette traîna sa vieille carcasse dans la salle de bain. Un rituel auquel elle s'employait chaque matin, avec toujours un peu plus de difficulté. La sortie du lit était laborieuse, il fallait tout d'abord qu'elle se concentre sur chacun de ses muscles, qu'elle se détende en même temps, un conflit imposé à son corps, qui lui demandait énormément de concentration et d'énergie. En premier lieu, relâcher son dos et ses épaules, ensuite se mettre en tension, sur les coudes, pour relever son buste, continuer sa poussée tout en déplaçant l'ensemble du corps de manière à placer les jambes au bord du lit. Faire tomber les pieds, geste qui entraînait tout le bas jusqu'aux genoux. Faire attention à ne pas entraîner la partie haute, le bassin et le reste. S'asseoir ensuite dans la douleur, et sentir cette douleur envahir tout le corps, du cou à la pointe des orteils, en passant par les articulations, sans laisser aucune d'entre elles au repos. L'arthrose, l'arthrite, les rhumatismes, les douleurs articulaires, tant de noms pour une seule cause : la vieillesse.
Henriette était rattrapée par son squelette de quatre-vingt-cinq ans, c'était assez dur à accepter, elle qui avait toujours été pleine d'entrain. Sa motivation déclinait au fil des ans, même le potager avait été réduit. Lorsqu'elle avait été à la retraite, elle avait passé ses journées entières dans le jardin, de l'aube au coucher du soleil. A bêcher la terre, la nourrir, enlever les mauvaises herbes, faire les semis, arroser, arracher les mauvaises herbes, arroser encore, arracher toujours, et puis récolter. Le jardin était immense, magnifique. Bien trop grand pour elle seule, alors Henriette donnait les majeure partie à son entourage, famille, amis, connaissances, n'en gardant qu'une infime partie, suffisante pour tenir jusqu'au printemps suivant. Elle avait acheté trois congélateurs, elle faisait de nombreuses conserves. Ça lui suffisait à vivre en quasi autarcie. Elle avait trois poules, des lapins, deux chèvres. Un chat qui passait plus de temps à dormir en haut d'un placard qu'à aller chasser les souris dehors. Et c'était à peu près tout.



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