Recherche partenaire

Je suis à la recherche de partenaires financiers, si vous voulez faire partie de l'aventure, n'hésitez pas à me contacter. Je m'engage à promouvoir votre image de la meilleure façon possible.

samedi 4 avril 2020

Confinement: page 16


[...]
Ce moment était étrange, fabuleux. Le vide, la destinée, moi au milieu, ici, à tendre les bras en l’air, puis à courir pour rattraper papa en riant.
Qu’est-ce que nous sommes, papa ? lui avais-je demandé.
Il avait froncé les sourcils. Une ride se creusait sur son front, dans le prolongement de son nez. Il m’observait dans ce cas sans rien dire, réfléchissant à ma question, se demandant probablement ce qui l’avait fait germer, quel cheminement j’avais emprunté pour en arriver jusque là. Il m’avait dit que mon cerveau ne fonctionnait pas comme le sien, mais que ce n’était pas du tout un mal, bien au contraire. Il fallait des enfants comme moi, qui deviendraient ensuite adultes et feraient le bien autour d’eux.
Nous essayons de trouver notre voie, m’avait-il alors répondu. D’abord, nous essayons de savoir qui nous sommes. Pour ensuite essayer de nous comprendre les uns les autres. Alors nous empruntons un chemin qui nous est propre, parce que nous sommes très différents les uns des autres.
Il m’avait souri, j’avais aimé son sourire généreux, ses efforts pour répondre, toujours, à mes questions incongrues. Mes parents ont toujours été bienveillants et patients, peut-être ne suis-je pas objective, nous avons tous tendance à idéaliser nos parents.
Nous avons ensuite poursuivi notre marche, nous éloignant de nos itinéraires classiques, préférant les minuscules ruelles de la vieille ville aux artères trop fréquentées. Nous avions débouché sur une petite librairie, tenue par le Magicien. Je l’appelle ainsi parce qu’il connaît tout des livres, et lorsqu’une personne lui demande un conseil de lecture, il sait exactement quel écrit lui plairait. Comme s’il était capable de discerner ce que nous sommes. Je lui ai demandé un jour s’il pouvait lire en nous, il a rigolé.
Non, absolument pas. Personne n’a ce don.
Alors comment faites vous pour ne jamais vous tromper ?
Je sais écouter, avait-il fait avec un clin d’œil. C’est ce que nous avons perdu aujourd’hui, écouter réellement ce que l’autre dit. Juste écouter, tendre l’oreille à la voix, découvrir si elle est douce, rude, rauque, profonde, sereine. C’est comme sentir un vin en fermant les yeux. Si l’on se concentre bien, si l’on entend ce qu’il a à nous dire, on découvre d’où il vient, son âge, ses arômes, sa rigueur. Avec quoi il se marie.

Je lisais en me cachant, mes parents tenant à ce que le couvre feu s’applique à vingt-et-une heures. J’avais subtilisé une lampe de poche, et je lisais dissimulée sous les draps. Le premier livre que le Magicien m’a tendu m’a tenue éveillée de nombreuses nuits. Quelques heures d’abord pour la lecture. Et le reste en réflexions. L’histoire d’un vieil homme qui transmettait à son successeur les archives d’une vie révolue. C’est mon livre de chevet, je tourne les pages comme on se laisse bercer par une jolie chanson.
Les enfants doivent-ils souffrir de nos erreurs présentes, passées ? avais-je demandé au réveil.
Papa et maman s’étaient regardés en souriant. Ils m’avaient prise dans leurs bras.
Il y a quelque chose qui t’inquiète ?
J’avais répondu que non. J’essayais juste de comprendre. Ils m’avaient répondu que moi seule pouvais avoir la réponse à cette question, qu’elle m’appartenait, m’appartiendrait. Qu’elle ferait de moi la femme que je deviendrais.

Je m’effraie souvent moi-même, mes pensées me bousculent, elles tournent trop rapidement alors que j’aimerais les voir au ralenti, pour me laisser du répit. Apprécier ce que je vois, la douceur de regarder une fleur éclore dans un vase sans me dire qu’elle sera morte dans quelques jours, qu’elle aurait été mieux en terre que dans un pot, à vivre sa vie à l’air libre, puis mourir d’avoir bien vécu. Me lever sans l’angoisse de lire que notre Monde dépérit. Ou devrais-je dire, que notre peuple dépérit. C’est cela qui est en train de se passer, parce que la Terre, un jour reprendra ses droits, elle l’a toujours fait.



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire