Il
portait son sac à dos, allant à la découverte des alentours.
L’automne séchait les premières feuilles, délavant lentement les
arbres de leur ornement verdoyant.
–
La terre n’est pas trop dure ? avait-il demandé avec un
sourire comme « bonjour ».
Elle
s’était redressée, portant ses mains sur ses reins. Avait levé
l’un d’elles dans les airs en lui disant que toujours, la terre
n’avait pas de pitié, elle était lourde a tourner mais c’était
ainsi, pour qu’elle donne, il fallait donner de soi. On n’a rien
sans rien, avait-elle ajouté, mais la terre vieillit bien, alors que
moi, non.
Il
s’était arrêté, lui avait dit que ce genre de travail devait
s’effectuer à plusieurs, pour donner de la gaieté au labeur. Que
le temps s’écoulait de manière proportionnelle au nombre de
personnes, et qu’en plus, à deux, on effectuait le travail de
trois.
–
Tu as l’air de t’y connaître, dans le travail ? lui
avait-elle fait, une interrogation qui avait tout l’air d’une
affirmation.
–
Je suis dans le bâtiment, avait-il répondu. Plomberie.
–
Ah, je comprends pour le travail en groupe.
Il
avait haussé les épaules avec une moue dubitative.
–
Sauf que moi, je n’ai rien compris, je travaille tout seul.
–
Alors nous voilà deux dans le même cas.
–
Un coup de main ?
Elle
avait hésité. Elle le coupait dans son élan, il était parti
randonner, mais elle était si fatiguée. Son chat lui faisant
difficilement la conversation, pouvoir échanger avec quelqu’un lui
ferait le plus grand bien. Elle lui dit néanmoins que non, qu’il
continue sa balade, elle se débrouillerait.
Il
posa son sac par terre et vint à ses côtés.
Parce
que j’ai vu l’étincelle dans votre regard et votre sourire, lui
fit-il plus tard, en fouillant la terre pour y enlever les pommes de
terre.
Il
l’avait aidée plus de trois heures, puis était reparti comme il
était venu, avec son sac et sa bonne humeur. Sans rien demander de
plus, refusant le billet qu’elle lui tendait pour le remercier.
Il
avait repoussé l’offre, lui disant de le garder pour aller au
marché.
–
Je n’ai pas fait ça pour l’argent, seulement pour être deux
dans un grand potager.
–
Mais je ne pourrai pas vous rendre la pareille, je ne connais rien à
la plomberie.
–
Je n’ai pas demandé d’échange. L’échange, il est dans le
partage. Au revoir, Henriette. Prenez soin de vous.
Il
était revenu deux semaines plus tard. Cette fois-ci pour réparer le
siphon de la cuisine. Elle avait réussi à dégoter ses coordonnées
en se renseignant à la Mairie. Le village n’était pas grand, et
un Ludovic qui s’installe à son compte, ça ne courait pas les
rues.
Il
avait revissé la bonde (qu’elle avait mis du temps à dévisser,
tant elle était serrée, mais elle était têtue, elle tenait à
rembourser sa dette envers lui pour son aide dans le jardin), et
avait refusé une nouvelle fois de se faire payer.
–
Si tous les plombiers faisaient payer les vieilles dames pour ce
genre d’interventions, nous serions milliardaires. En plus, je
soupçonne ce siphon de ne pas s’être dévissé tout seul.
Tête
basse de la vieille dame, coupable.
–
Allez, vous me payez le café et n’en parlons plus.
Voilà,
c’était Ludo, qui sauvait ses semaines, qui passait à
l’improviste, qui sonnait toujours avant de rentrer, et demandait
sans cesse s’il ne dérangeait pas. Déranger ? Les araignées,
peut-être, son matou, également, et encore, à bien y réfléchir,
à le voir ouvrir un seul œil sans broncher, laissant son corps dodu
dans la poussière du sommet du placard, elle en doutait.
Quitter
ce lieu, cette vie, elle ne voulait pas. Elle ne s’imaginait pas
ailleurs. Parce que c’était le seul endroit où elle avait vécu.
Elle ne connaissait rien d’autre, et le changement l’effrayait,
parce que derrière, il y n’y aurait plus « d’après ».
Ce serait sa dernière demeure, avant une ultime mise en terre.
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