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mercredi 15 avril 2020

Confinement: page 23

[...]

Mon mari me disait que plus les années passaient, moins il me voyait sourire. Sourire à quoi ? lui avais-je rétorqué. De voir chaque jour une ride nouvelle apparaître dans la glace, de voir mon corps grincer davantage chaque matin, de constater qu’une fois les enfants partis, il avait fallu nous familiariser avec le silence, le vide, l’absence. Et puis, le supporter matin, midi, soir. Découvrir la folie d’un homme qui avait décider de donner un sens nouveau à son quotidien, comme ça, du jour au lendemain ?
– Nous pouvons le faire à deux, m’avait-il dit. Ce sera d’autant plus drôle. Un deuxième départ, un troisième plutôt, parce que le deuxième a été la naissances des enfants, ah non, un quatrième, le troisième, c’est quand ils ont quitté la maison…
Voilà, il était parti dans un soliloque sans queue ni tête, quand ça le prenait, il était incontrôlable, plus rien ne pouvait l’arrêter, il était pris d’une folie douce, il se prenait pour un autre. Il avait fait des bacs de tri dans la maison. Le papier, les conserves, le verre, le composte.
– Mais, nous n’avons même pas de composte ! m’étais-je exclamée.
– C’est le moment de commencer.
– Tu es fou ! Nous vivons dans un appartement.
– Nous avons une terrasse, je peux y installer un bac. Mon ami en vend à la quincaillerie.
– Allons bon, voilà que le gars de la quincaillerie est ton ami désormais ?! Et non, c’est hors de question, je ne veux pas de pourriture sur le balcon.
– Tant pis, j’achèterai un pot à composte, ça ne sent rien, c’est esthétique, et puis j’irai le vider chaque jour au jardin.
Je m’étais étranglée.
– Au jardin ?!
– Oui, j’ai fait une demande à la commune, elle a été acceptée. Tu sais que désormais, nous pouvons préempter certains espaces verts en bord de voirie pour y faire des potager ? Il paraît que ça se fait beaucoup dans les pays de l’est, en Bulgarie, en Serbie. C’est Thierry qui me l’a raconté.
– Thierry ?
– Oui, le quincaillier.
– La semaine dernière, tu le connaissais à peine, le voilà désormais ton ami, tu l’appelles Thierry… Tu ne vas pas bien, je ne te reconnais plus.
– Tu ne vas pas me reprocher que moi, enfin, je me reconnais dans le miroir.
J’avais balayé l’air d’un geste de main. C’est bon, c’est bon, vas-y, continue ton histoire de jardin.
– J’irai donc le vider dans le jardin. C’est important de faire le tri. Nous pouvons recycler la plupart de ce que nous avons. Tu sais que les bouteilles en plastique servent à faire des vestes polaires ?
Plus il parlait, plus j’étais exaspérée par son délire nouveau. Il me disait que les plus belles années étaient derrière nous. Enfin, parole d’experts climatiques, de chercheurs médicaux, de grands penseurs des temps modernes. Nous avions atteint une sorte de point critique, celui où les générations futures seraient en moins bonne santé que leurs ancêtres. Que c’était même pire encore, un point de non retour, qu’il était trop tard pour faire marche arrière, et que nos actions présentes ne pourraient rétablir l’ordre, la Terre avait fait ses mises en garde, désormais, elle enclenchait la vitesse supérieure. Tornades, ouragans, maladies.
– Alors raison de plus pour ne rien faire. Tu vois, tu es ridicule.
– Non, justement non ! s’était-il exclamé. Nous pouvons ralentir tout ça. C’est notre devoir envers elle. Le changement, c’est pour maintenant !
Il était content. Il avait fait une rime, et il était content. Son sourire fendait son visage hilare et fier d’abruti fini. J’avais espéré qu’enfin, il en aurait fini avec ses homélies, mais non, il me les ressortait à chaque repas, à chaque fois que j’agissais à l’encontre de ses recommandations.
– Il est essentiel d’avoir une prise de conscience, de changer radicalement nos comportements, c’est une question de courage et de conviction.
– Ça tombe bien, je ne suis pas courageuse, et encore moins convaincue.
– Tu pourrais faire un effort, ne serait-ce que pour le tri.



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