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mardi 14 avril 2020

Confinement: page 22

[...]

C’est fou comme on découvre les gens, après coup. C’est un chouette type, m’avait-il avoué un soir après avoir refait le monde avec lui.
Il était rentré dans l’appartement en faisant un vacarme du diable, il avait bu des bières. L’alcool rapproche surtout les abrutis, et à eux deux, ils faisaient la paire. Mon mari a décidé ensuite d’aller lui donner des coups de main, mise en rayon, déchargement des marchandises, livraisons chez le client. Bénévolement.
Je dis encore mon mari, parce que nous ne sommes toujours pas divorcés. Il ne me l’a pas demandé, encore l’une de ses frasques incompréhensibles. Moi, ça m’a bien arrangée, l’appartement est à moi, j’ai gardé la voiture, le tout avec un joli compte en banque.
Pour en revenir au quincaillier, j’allais lui acheter des géraniums, chaque printemps. J’attendais que la saison soit bien installée, que tous les clients aient acheté les leurs, et lorsque je voyais que les plantes ne s’écoulaient plus, j’allais le voir en lui proposant d’acheter le reste et qu’il me fasse un rabais. Je n’allais tout de même pas les lui acheter au prix fort. Il y a trois ans, à la mi-mai, voyant trois bacs restant devant la vitrine de son magasin, je lui ai demandé de faire un effort supplémentaire, les géraniums n’étaient pas franchement beaux.
Il m’a observée en souriant.
– Vous savez quoi, ma petite dame, pour vous, je ne vais pas faire un prix supplémentaire, je vais au contraire vous les proposer au prix que je fais à tous les clients qui viennent au magasin, parce que vous voyez, pas l’un d’entre eux ne me demande jamais une ristourne, ils viennent m’acheter mes produits parce qu’ils ne veulent pas faire fonctionner la grande distribution, ils préfèrent les commerces de proximité, ils veulent du contact, ils savent que je vais me plier en quatre pour eux si besoin, que j’irai leur livrer gratuitement leur machine à laver, et même la leur installer, parce que c’est un service que je leur dois, c’est du donnant-donnant. Ils viennent ici parce qu’ils ne veulent plus de ces immenses magasins sans vie, aux rayons foisonnants de produits importés d’Amérique, de Chine, d’Asie, de Russie, de partout sauf de France. Alors que moi, je fais tout pour utiliser notre savoir faire, et je ne veux plus de Made in machin truc, je veux du fabriqué en, avec le mot France qui va derrière, je veux que les gens comme moi, qui vivent ici, aient la chance de pouvoir travailler sans concurrence déloyale, je veux que mes clients soient heureux de franchir le seuil de cette porte, qu’on puisse taper la causette, boire un café, rire, et même se faire un bon gueuleton lorsque le temps est pourri et que la clochette d’entrée de tinte pas beaucoup.
– Je comprends pourquoi mon mari aimait bien venir ici. Vous êtes aussi fou que lui. Je me demande d’ailleurs si ce n’est pas vous qui lui avez mis toutes ces idées en tête.
– Madame, a-t-il poursuivi sans perdre son sourire ni sa bonne humeur apparente, je pourrais moi-même dire que je comprends pourquoi votre mari vous a quittée, ou être insultant en avouant que je comprends pourquoi il aimait passer plus de temps ici que dans son appartement, mais je vais en rester là. Je vais vous dire une chose, à la fin de chaque mois, lorsque je fais le bilan, je m’en tire avec un peu plus qu’un SMIC. Je ne vais pas me plaindre, j’ai la vie que j’ai choisie de mener, personne ne m’a obligé à faire ce métier, je le fais parce que je l’aime, j’aime la proximité, le contact avec les gens, les discussions, irréelles parfois, passionnées, passionnantes. Je suis heureux, j’aime rendre service, mais je déteste l’hypocrisie, et je déteste encore plus les personnes qui ont beaucoup et qui ne donnent rien. Si vous souhaitez divers produits, je serais toujours là pour vous servir tout en étant le plus aimable et le plus serviable possible, sinon, je souhaite à votre argent de bien dormir dans votre porte-monnaie.
Il s’était ensuite courbé pour me saluer et était retourné à ses affaires. Je ne suis plus jamais passée devant son magasin, préférant, si je dois marcher dans la rue, le trottoir d’en face pour être sûre de ne pas avoir à le saluer. Il ne manquerait plus que ça.
Je ne veux pas voir son sourire permanent, ce sourire qui lui donne un air idiot. Sourire sans raison n’a aucun sens, seuls les imbéciles le font.



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