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lundi 4 mai 2020

confinement: page 39

[...]

Il ne pouvait pas comprendre, lui avait-elle dit, ce n'est pas lui qui portait l'enfant, le papa n'avait pas ces échanges de l'intérieur, il ne sentait rien. Oui, il pouvait poser sa main sur le ventre de sa femme, avoir le saisissement d'un mouvement, lorsque Jules bougeait, qu'il s'agitait. Ce n'était que la sensation d'une secousse, d'un frisson, d'un changement de position, à travers la peau, le sang, l'utérus de Sandra. Ce n'était pas les perceptions qu'elle avait, elle, de ce qu'elle partageait avec son fils. Jules prenait chaque jour plus de place, elle le nourrissait, le protégeait. Il était dans un cocon au sein duquel il s'épanouissait, et bientôt, il verrait le jour, et ce, grâce à elle.
Elle avait eu les premières contractions le jour prévu du terme. Elle s'y était sagement préparée, elle savait que l'accouchement aurait lieu à la date précise. Bertrand et elle étaient allés aux nombreux cours de préparation à l'accouchement, ils y avaient appris les exercices, Sandra travaillait sans cesse la manière dont il fallait respirer, elle avait d'ailleurs acheté un petit appareil canalisant sa respiration, pour se concentrer sur l'échange d'air, principalement à l'expiration. Grâce à cet appareil, elle ne se focalisait plus sur la douleur, mais sur ses poumons qui se vidaient lentement. Elle avait fait de la sophrologie, elle avait appris à formater son cerveau pour ne pas qu'il dévie, qu'il reste focalisé sur ce qu'elle lui imposait. Elle savait la douleur perverse, les mères qui avaient accouché racontaient à quel point la souffrance monopolise toute l'attention, comme il est primitif de ne plus penser qu'au mal.
Elle avait perdu les eaux à midi. Elle était dans la salle de bain, elle venait de prendre un bain. Elle était debout, se séchait minutieusement, comptant les minutes entre chaque contraction. Le moment était arrivé, enfin.
Elle avait demandé à Bertrand de ne pas travailler les trois derniers jours, qu'il puisse être disponible pour aller à la maternité. Son travail lui imposait des déplacements réguliers dans toute la région, il avait parfois plusieurs heures de route à effectuer pour se rendre auprès de clients. Il fallait impérativement qu'il soit à proximité. Pour la rassurer, il avait fait son travail à distance, usant de bonne grâce de son téléphone.
A l'hôpital, elle n'avait pas voulu de péridurale. Elle ne tenait pas à ce que le liquide anesthésiant la prive des sensations de l'accouchement. Elle souhaitait ressentir son corps, être en communion avec Jules jusqu'à ce qu'elle le prenne dans ses bras. Que chaque instant reste gravé dans sa mémoire de mère. Les douleurs s'étaient intensifiées, mais elle était une guerrière.
Au bout de six heures de souffrance, la sage femme lui avait néanmoins reproposé la péridurale. Six heures plus tard, elle avait fait une nouvelle suggestion, mais s'était fait copieusement réprimander. Bertrand regardait la scène, impuissant, inutile. Il n'osait plus parler, chaque fois qu'il ouvrait la bouche, il se faisait insulter. Alors il l'avait laissée gérer son affaire.
Vingt-quatre heures de supplice, son corps criait, se disloquait. Mais tout cela était normal, Jules cherchait son chemin, il s'arrachait à ses entrailles pour trouver sa propre voie, pour naître. Elle poussa un dernier hurlement, et l'enfant sortit.
Elle était trop fatiguée pour voir sa peau violacée, pour s'effrayer des premières secondes silencieuses, alors que l'enfant cherchait à respirer, ne sachant pas immédiatement comment soulever sa cage thoracique.
Elle se rappela seulement son premier cri, la douceur de sa peau lorsque la sage femme l'avait posé contre son sein.
Bonjour, mon Jules, bienvenue dans ton Monde, lui avait-elle fait.
Bertrand s'était approché d'eux, oubliant le martyr de ces dernières heures, heureux d'être papa, heureux qu'ils soient en famille.

Elle l'emmènerait chez le médecin aujourd'hui. Elle trouverait un médecin de garde, elle ne pouvait pas laisser son enfant dans cet état, il fallait qu'elle ait un avis médical. Depuis que les médias parlaient de cette situation difficile avec le Coronavirus, elle faisait encore plus attention à chaque petit détail. Elle avait acheté des gants à l'enfant, et veillait à ce qu'il s'approche le moins possible de ses autres camarades.



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