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samedi 2 mai 2020

confinement: page 37

[...]

Elle regarda les photos accrochées aux murs de sa chambre. Elle les trouvait magnifiques. Jules lorsqu'il venait de naître. Jules à six mois. Son premier anniversaire, sa première bougie. Les premiers pas de Jules. Jules dehors, dans les bras de son père. Jules sur un manège. Sa deuxième bougie... Dans le salon, il y avait aussi de nombreux clichés. Deux fois par an, ils allaient faire une séance photos chez un professionnel, elle tenait à immortaliser leur famille.
Jules avait une bonne bouille, elle ne disait pas ça parce qu'elle était sa mère. Elle le savait, sans qu'on ait besoin de le lui affirmer. Beaucoup de personnes disent d'un enfant qu'il est beau pour faire plaisir à leur parent, mais ne le pensent pas forcément. Concernant Jules, c'était un fait, une évidence. Elle se faisait souvent la réflexion, lorsqu'elle voyait les autres enfants de son âge.
Mon enfant est beau, vraiment très beau.
Elle le lui exprimait de cette manière. Dans ses lectures de magazines, il était stipulé que l'enfant devait être mis en confiance, c'était très important.
Tu es un joli, un très joli petit enfant qui fait le bonheur de sa maman.
Il était son bébé, son amour, il lui appartenait comme elle lui appartenait. Bertrand lui avait dit un jour qu'elle lui donnait trop de place, et que lui, son mari, cherchait désormais la sienne.
Tu n'as qu'à la prendre, lui avait-elle répondu, piquée au vif.
Il avait rétorqué en souriant qu'il fallait pour cela qu'elle lui donne un petit espace, à lui, son mari, pour qu'il puisse s'y insérer. Elle l'avait traité de jaloux, d'égoïste. Il avait laissé tomber.
Ils avait mis plusieurs années avant d'avoir un enfant. Ce n'était pas évident, il y avait eu une fausse couche, et ensuite, plus rien. Alors il avait fallu faire des tests, ils étaient allés dans un laboratoire, faire des prélèvements. Mais tout fonctionnait bien, la faute n'était pas plus imputable à Bertrand qu'à elle.
Au tout début, bien avant de connaître Bertrand, elle ne savait pas si elle serait une bonne mère. Elle n'était même pas sûre de vouloir un enfant. Ses premières années de couple avec Bertrand, lorsqu'elle voyait les contraintes que cela engendrait chez ses amies, elle pensait qu'elle n'était pas prête. Trop jeune, pas assez responsable.
Elle comprenait aujourd'hui que toutes ces incertitudes étaient liées à sa peur d'être mère, de ne pas faire comme il le fallait, de ne pas savoir aimer, de ne pas être aimée, surtout.
Il y avait la peur de reproduire le schéma familial, hérité de sa maman, qui n'avait jamais su l'aimer. Grandir, s'épanouir, dans ces conditions, était très difficile. Se sentir aimée lui aurait permis d'avoir plus d'assurance, d'avoir confiance en ses choix, de ne pas douter sans arrêt. Sa maman était souvent absente pour le travail, laissant Sandra chez ses grands-parents. Le reste du temps, en colonie de vacances. Laissée à l'abandon lorsqu'elle était à la maison, parce que ses parents étaient trop occupés.
Il fallait qu'elle comble le vide, un besoin nécessaire, impérieux. Tout lui donner, ne pas le frustrer, car la frustration le mettait en crise et ses crises lui serraient le ventre. Elle sentait les nœuds dans ses intestins, son estomac, un mal viscéral qui lui coupait l'appétit. Lorsqu'il pleurait, elle sentait l'angoisse monter en elle, les larmes lui piquaient les yeux. Une sensation désagréable, oppressante, elle ressentait ce qu'il vivait.
La grossesse avait été un moment exceptionnel. Elle s'était sentie en communion totale avec son enfant, elle le sentait bouger dans son ventre, il faisait partie d'elle, littéralement. Chaque jour, elle lui parlait, lui racontait qu'elle l'aimait, qu'elle l'aimerait, plus que tout au monde. Les trois premiers mois avaient été difficiles, elle avait eu la nausée, elle vomissait régulièrement, mais c'était un mal nécessaire. Il lui fallait passer par cette phase pour apprécier davantage la suivante, lorsque l'enfant avait réellement pris sa place en elle, lui déformant le corps à mesure qu'il grossissait.
Elle avait appréhendé la première échographie. Elle ne pouvait contenir ses tremblements. Le souvenir de la fausse couche, même si elle avait été très précoce. Lors de ce moment terriblement douloureux émotionnellement, elle avait eu beaucoup de saignements un matin au réveil. Elle avait su que l'embryon ne s'était pas accroché. La veille, elle avait fait du vélo, le sport avait emporté sa grossesse.
Cette fois, lorsqu'elle avait vu l'embryon sur l'écran, elle avait éclaté en sanglots.



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