J'étais ce genre de gamins du "Mistral gagnant" de Renaud, à sauter dans les flaques pour la faire râler. A bousiller mes godasses et me marrer. Dès qu'il y avait de l'eau, je m'approchais sans sourciller, j'y plongeais mes mains pour en retirer deux trois cailloux et les mettre en travers pour stopper le cours. J'avais une passion dévorante pour les barrages et la boue, à y passer des heures et revenir crotté de la tête aux pieds. La boue me collait à la peau, et c'était le cas de le dire, partout où j'allais, je cherchais la meilleure manière de me salir. Avec moi, on laissait de côté les habits blancs, ils revenaient marron et la machine les virait au gris.
Un flaque devant et je ne pouvais m'empêcher d'y sauter à pieds joints, tant pis si autour des camarades me suivaient de trop près, fallait pas jouer avec le feu, je leur disais, vous me connaissez depuis le temps. A six ans, j'avais déjà le bon usage des mots et la répartie... boueuse.
Beaucoup auraient souhaité qu'avec le temps je m'assagisse. Mais un peu à la manière de Peter Pan, le temps n'a jamais eu beaucoup d'incidences sur le gamin qui a grandi. Vous l'aurez constaté, je mets toujours des dossards comme s'il j'étais enfant.
Pourtant, avec l'âge, il a fallu que je me contienne un peu. Ce que je faisais enfant, je ne pouvais me permettre de le reproduire adulte. Bien sûr, j'aurais pu devenir hydrogéologue et construire des barrages, ou alors potier pour garder mes mains dans la boue toute la journée. Mais de l'un ou l'autre, il me manquait une alchimie, peut-être des flaques à sauter de tout mon corps.
Et puis 2024 est arrivé. Un printemps, magnifique, humide à souhait et avare en soleil. Le grand a ressorti ses rêves d'enfants, et surtout ses chaussures du placard.
Depuis plusieurs semaines, il enfile des dossards. Il choisit des courses au profil cassant. Depuis plusieurs semaines, il s'en donne à corps et à coeur joie.
Tout ça pour dire que dimanche dernier, je suis allé du côté de Bernex. C'était pluvieux, tortueux, boueux. Un classique pour les traileurs depuis le début de saison.
J'ai jubilé.
J'en ai pris plein les cuisses, j'ai crépi les chaussures et les vêtements.
J'ai même fini par gagner. Dans le sac donné au vainqueur, je n'espérais qu'une chose, une pelle et un seau. Histoire de mêler un peu de terre et d'eau et faire un peu l'idiot.
Bref, vous l'aurez tous remarqué, depuis de très nombreux mois, le temps ne nous a pas gâtés. Alors on s'amuse comme on peut (même avec les mots). Faut bien faire passer le temps.
Alors si vous vous demandez la véracité de toute cette histoire à dormir de-boue, je vous laisse y réfléchir à tête reposée. Et peut-être esquisserez-vous un sourire à la vue d'une petite mare pleine de boue.
De la pluie, du brouillard et du vent, mais rien de bien méchant pour enlever les sourires des participants (P... Benoît ! Mais quand vas-tu arrêter avec tes jeux de mots à deux balles?!!!) |
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