Pendant quelques minutes,
c'est le silence, juste le vrombissement de la voiture qui avale
rapidement les kilomètres de l'autoroute. J'imagine que chacun est
perdu dans ses pensées. Steph se demande sûrement comment va être
la neige là-haut pour savoir quoi farter. Bastien, lui, son
dada, c'est la mécanique, alors il doit probablement rêver au
magnifique quatre quatre loué pour le trajet après l'aéroport.
Côté Adrien, c'est ce qui va être dans son assiette, il aime bien
la nourriture locale. Et moi, comme d'habitude, je ne pense qu'à ce
que mon cerveau me permet, c'est à dire pas grand-chose.
Oui, on est tous sagement
installés, et on se dirige tranquillement vers l'aéroport de Lyon.
Avion pour Francfort. Changement de terminal, transfert pour Prague.
Puis road trip jusqu'à la frontière Polonaise. Jusque là, tout va
bien, d'autant plus que toute la logistique, c'est moi qui l'ai
gérée.
Aucun risque qu'on
rencontre des imprévus. Je le pense très fort à ce moment, et
finalement, en observant bien mes camarades, je crois que dans ce
saint moment de silence, chacun a une seule et même idée en tête :
c'est un peu de la folie de me confier l'organisation d'un voyage, il
y a une chance sur dix que tout se déroule sans encombre.
Bizarrement, malgré le
peu de temps entre les transferts d'avion, le trajet s'est déroulé
sans encombre. Adrien a juste laissé à la douane son gâteau de
semoule préparé minutieusement à 6 heures du matin. A Prague,
pendant que nous attendions les bagages sur le tapis roulant, Steph
est allé chercher la voiture. On a bien rigolé lorsqu'il s'est
pointé avec l'équivalent d'une Twingo. Heureusement, il y avait les
barres de toit. De toute façon, il n'y avait pas d'autres voitures
disponibles.
Calés comme des sardines
à l'intérieur avec les housses chargées sur le toit, on a filé en
direction d'Harrachov, petit bled à deux pas de la frontière
Polonaise. C'est sur la route qu'on a appris que l'agence de location
nous avait en plus escroqué de deux cents Euros. Steph avait payé
sans se méfier, mais après coup, en faisant la conversion de la
monnaie locale, on a compris l'arnaque. Lorsque le GPS thèque nous a
emmené dans le centre de Prague en nous faisant croire que c'était
la route la plus rapide, on a commencé à se méfier encore un peu
plus. Surtout lorsqu'il nous a fait passer dans la plus grande rue
marchande de la capitale.
Vint ensuite Harrachov et
son hôtel trois étoiles. Lors de la réservation, j'avais vu qu'il
y avait un restaurant, une salle de ski et tout le tintouin.
Sauf qu'en arrivant, le
réceptionniste nous a annoncé qu'il était impossible de préparer
les skis dans la salle prévue à cet effet, à cause des odeurs. On
n'a pas trop compris, d'autant plus qu'à l'intérieur des couloirs,
certains clients fumaient comme des pompiers. On a essayé de ne pas
trop s'énerver, et on s'est dit qu'un bon repas nous apaiserait.
Dans le resto, le
serveur-chef-cuisto nous a tendu la carte en nous amenant quatre
verres remplis d'une eau douteuse qui virait au jaune. Il y avait
pas mal de plats, sur le menu, mais il nous a fait comprendre que
l'on avait le choix qu'entre des frites, des frites, ou encore des
frites.
Bon, bah on a pris des
frites. Avalant avec nonchalance les bouts de carton qui
ressemblaient à des frites, un autre groupe de clients est arrivé.
A eux, on leur a servi du riz, de la soupe, de la purée de pommes de
terre et tout un tas de plats locaux.
On n'a pas bien
compris... On l'a d'ailleurs fait remarquer au serveur.
-Ne, ne (non, non) qu'il
nous a fait. En secouant la main devant nous et en baragouinant autre
chose dans son double menton, genre c'est bon, mes cocos,
commencez pas, mangez vos frites et mêlez vous de ce qui vous
regarde.
On
est resté calme. Le lendemain, on est arrivé sur le site de course
pour tester le matériel. Dans ce genre d'événements,
l'organisation trouve une salle pour les Team. Là, elle n'avait rien
pour nous. Bah non, tout était déjà mis à disposition des
coureurs locaux. En insistant vivement, bons princes, ils ont fini
par nous prêter un bout de couloir.
Respirer profondément.
Inspirer avec le haut du corps, expirer, ne pas s'énerver...
Une
fois le matériel préparé, on a filé en direction de la piste pour
tester les skis.
A
quelques mètres de la piste, un type en uniforme, les bras écartés.
-Ne,
ne.
De quoi, ne, ne ?!!!
Éberlués,
on a regardé notre lascar qui ne voulait pas nous laisser passer. On
a essayé dix mètres plus loin. Un autre gars, dans le même
costume, avec moustache. Bras écartés.
-Ne,
ne.
On a
écumé tous les bords de piste sur un kilomètre, se faisant
rabrouer de partout. Adrien a même essayé de faire diversion,
jouant l'homme résolu, mine basse, puis se mettant à le contourner
rapidement pour essayer d'aller sur la piste. Le type lui a couru
après. La scène était digne de Benny Hill, et nous, on était
plié en deux, riant aux larmes. J'imagine que c'était aussi un peu
nerveux.
Il a fallu qu'on trouve une carte IGN du parcours pour savoir où se situaient les grosses difficultés. Manque de bol, il n'y avait même pas d'échelle sur la carte.
Il a fallu qu'on trouve une carte IGN du parcours pour savoir où se situaient les grosses difficultés. Manque de bol, il n'y avait même pas d'échelle sur la carte.
On
s'est juré plusieurs fois qu'on ne nous y reprendrait plus. Que la
course, elle ne serait pas près de nous revoir. Voilà un peu le
résumé de notre séjour, ça a continué jusqu'au lendemain. On a
fait notre course comme on a pu, une course pas trop mal, pour finir,
avec les trois gars dans le top 10. Steph s'est perdu au milieu de la forêt en voulant nous ravitailler, de la neige jusqu'aux genoux.
Le
soir, de retour sur notre bon vieux territoire français, on avait
déjà en tête l'édition 2016. Bien sûr, on allait revenir. Parce
que sincèrement, même si toute cette organisation laissait à
désirer, qu'est-ce qu'on avait rigolé !
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