Mon sac était là, en
face de moi
A vrai dire, je ne savais
pas s'il fallait mettre la hache ou pas à l'intérieur. Bah oui, on
allait encore faire une course de bûcherons, en Norvège. Dix huit
mille tailleurs de pins au départ, pensez bien, nous, petits
français, on faisait un peu office de gringalets, tout juste bons à
tailler des haies. Mais il en fallait bien plus pour nous effrayer.
Arrivés sur place, on a
vidé jusqu'au dernier centime du fond de nos poches pour pouvoir
nous payer un logement. Pour le prix d'un cinq étoiles en France,
là-bas, on a tout juste eu droit à une cabane dans la forêt. Après
avoir récupéré nos dossard, le plus dur restait encore à faire :
lester nos sacs. Pour la petite histoire, la Birkebeiner, cette
fameuse course en style classique que nous allions faire, se court
avec un sac d'au moins trois kilos et demie. J'aurais bien pris ma
petite Eléa, mais je ne suis pas sûr qu'à son âge, elle aurait
apprécié d'être ballottée dans tous les sens pendant plus de deux
heures. Adrien avait prévu le coup, il avait emporté des petits
sacs de plomb dans ses bagages. Quant à moi, j'ai écumé les bords
de rivière pour remplir des poches de sable. Pas évident quand il y
a un mètre de neige sur les côtés.
Le matin de la course, il
a fallu se lever aux aurores. Les vikings avaient prévu un départ à
8 heures. J'imagine qu'ils voulaient tester notre ténacité. Pffff,
de toute façon, avec la poulette à la maison, j'étais déjà dans
le bain. Si par malheur j'avais choisi de m'offrir une grasse mat chez moi, elle me rappelait régulièrement à l'ordre en fin de
nuit.
A six heures, Adrien et
moi étions fin prêts. Steph, fidèle à ses habitudes, n'avait pas
dormi de la nuit. A sept heures, tout ce petit monde s'en est allé
tester les skis, histoire de dire. On a débarqué dans un
fourmillement d'athlètes et de techniciens. Dire qu'on se sentait
minuscule au milieu de cette foule était un doux euphémisme. Il y
en avait partout, on se serait cru dans une fourmilière. On a passé
dix minutes à essayer de voir ce que les autres avaient sous les
skis. Du fart ? Pas de fart ? (Petite précision pour les
néophytes, aujourd'hui, une grosse partie des concurrents font
désormais ce genre de courses uniquement en poussée, sur les bras).
En allant rejoindre la ligne de départ, nous n'étions toujours pas
très avancés. On a donc joué à pile ou face et on est parti...
avec du fart.
54 bornes dans la steppe
Norvégienne, au milieu de tous ces autochtones. Au bout de deux
heures trente, le dos lacéré par le sac, on a réussi à rallier
l'arrivée. Sans ravitaillement en ce qui me concerne. Le camelback
gelé et mes barres de céréales éparpillées aux quatre coins de
la piste. Je les avais coincées dans mes manches et dans la ceinture
de ma combinaison, mais elles se sont fait la malle dès qu'elles ont
pu.
Au final, une 28ème
place pour moi. Pourtant, c'était pas faute d'avoir le couteau entre
les dents. La prochaine fois, je prendrai la hache, ça marchera
probablement mieux.
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