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lundi 27 août 2012

Il était une fois... le kilomètre vertical


L'été approchait doucement. Météo France annonçait des grosses chaleurs, alerte canicule, niveau 6 sur une échelle de 5, et ça faisait réfléchir. La chaleur, je l'aimais bien, mais surtout de loin. Au fond de moi, je n'espérais qu'une chose, que les prévisions soient à des lieues de la réalité. Que le temps ne soit pas ce qui avait été prédit ne m'aurait pas surpris, vu que dans ce genre d'annonces, Météo France se plantait toujours. Je le voyais bien pendant l'hiver. On avait toujours l'inverse de ce qui avait été annoncé.
Mais là, c'était un peu différent. Il y a les anciens qui s'en mêlaient. Ils me parlaient de leur arthrose, du peu de couches des oignons, de la migration des hirondelles et des sauterelles qui sautaient moins haut que d'habitude. Tout le reste, moi, ça me passait un peu au-dessus, mais quand ils ont parlé des sauterelles, forcément, j'ai pris peur. Les sauterelles, c'était le début de la fin, je savais qu'ils avaient raison et qu'on allait crever de chaud.
Deux semaines plus tard, j'étais avachi dans mon canapé, épuisé par la chaleur environnante en me répétant en boucle : "Foutues prévisions !". Le corps en nage, je faisais des allers-retours entre mon séjour et ma salle de bain. Les douches, je les prenais glacées, mais j'avais à peine le temps de traverser mon salon pour retrouver ma position favorite dans le canapé que, déjà, j'étais trempé de sueur de la tête aux pieds.
Le soir, abruti par une journée à ne rien faire, quelqu'un a frappé à la porte d'entrée. Il y avait à peine cinq pas à faire pour aller ouvrir, mais c'était déjà trop. J'étais en train de développer une fatigue chronique due au manque d'activité, et j'étais encore plus fatigué à l'idée d'y penser. Au prix d'un terrible effort, j'ai quand même réussi à me hisser jusqu'à la porte. Derrière, il y avait mon voisin.
-Chaud, hein !
Je n'avais pas le courage de lui dire que si c'était pour me dire ce genre de chose, il aurait pu s'abstenir. Pour ne pas dépenser trop d'énergie inutilement, je me suis contenté d'hocher la tête.
-Et ça va, toi ?
Hochement de tête.
-Tu tiens le coup ?
Hochement de tête.
-Et tu fais quoi de tes journées.
Je ferme les yeux. Pour lui montrer que je dors.
-Ah... Je te réveille, alors ?
J'hoche à nouveau la tête. Il laisse un blanc, puis se lance:
-J'ai un petit truc à te proposer.
Je regarde derrière moi.
-Fais pas l'idiot, c'est à toi que je parle, me fait-il.
Il me parle alors d’un kilomètre vertical, un truc entre potes, super ambiance, casse croûte à l’arrivée, que ça me fera du bien parce qu’on est en altitude, qu’un kilomètre, c’est pas grand-chose, et tout et tout.
J’ai rigolé. Bien entendu, il aurait fallu être fou pour accepter. Je n’ai pas tilté sur le mot « kilomètre », encore moins sur celui « vertical ». Rien que l’idée de marcher, ça m’épuisait. Et vu que l’idée m’épuisait, vous imaginez bien, m’engager dans un truc comme ça, non, je n’étais pas dément à ce point…

-Alors là, c’est pour les dossards. Là, c’est pour aller t’échauffer. Là, c’est là où on grimpe et puis là…
Je regarde mon voisin, la pente. La pente, mon voisin. Je ne sais pas ce que je fais là. Il y a des fois, je ne me comprends pas moi-même. Je jette un regard environnant, observe toute cette panoplie de sportifs aux jambes rasées, aux mollets gros comme mes cuisses, et peste une nouvelle fois mon voisin.
Le c… !
La pente, j’avais le vertige rien qu’en la voyant.
-On va grimper dedans ?
-Bah, oui !
Au fond de moi, j’ai espéré qu’il soit comme la présentatrice de la météo, qu’il se plante totalement sur le sujet. Pas de bol, dix minutes plus tard, j’ai pu constater à quel point il avait raison. Et à quel point j’aurais mieux fait de réfléchir à deux fois avant de venir, et surtout, à bien noter dans un coin de ma tête vide qu’il s’agissait d’un kilomètre… vertical !
En gros, pour les incultes, le kilomètre vertical, c’est un truc de fou. Non content de faire des kilomètres à plat, les organisateurs se sont lancés dans un nouveau type de course. Le kilomètre, maintenant, on le fait en dénivelé positif. Pour que ce soit drôle, il faut que la pente soit le plus raide possible.
Le dossard épinglé sur mon t-shirt, je suis donc parti avec toute cette bande d’illuminés. Au départ, tout allait bien. Tout le monde s’est mis à courir, je me suis pris au jeu et moi aussi, je me suis mis à courir. Au bout de trente secondes, je faisais moins le malin. J’avais les pattes en feu, je crevais de chaud, je transpirais à grosses gouttes, j’étouffais. J’ai fait tout le reste de la course dans cet état. Tout mon corps semblait hurler : Stop, arrête, c’est fini les conneries, mets le clignotant et rentre tranquillement chez toi. Même mon cœur semblait ne pas vouloir me suivre : s’il cognait de toutes ses forces contre ma poitrine, j’imagine que c’est parce qu’il voulait se barrer lui aussi. Pour reprendre mon souffle, j’ai commencé à baisser la tête, puis le corps. Après dix minutes, j’étais plié en deux. Quelques instants plus tard, j’avais l’impression de ramper par terre. Il y a des endroits dans la course où la pente était tellement raide que j’ai dû m’accrocher aux herbes pour ne pas dévaler la pente en sens inverse.
Je me suis battu. Principalement contre moi-même, parce qu’il n’y avait plus grand monde autour de moi. Et au bout d’un effort surhumain, je suis arrivé en haut. J’avais franchi la ligne d’arrivée, j’avais dépassé mes limites, j’avais franchi des limites insoupçonnées. J’étais sur le toit du monde (enfin, juste à 2300m d’altitude), j’avais l’impression d’être le roi du monde. Tout était si beau, si clair, je percevais l’essence de la vie, la moelle de…
-Faudrait quand même penser à redescendre… m’a fait l’un des gars de l’organisation.
-Il est où, le bus ? j’ai fait.
Il a rigolé. J’ai cru qu’il se foutait de moi.
Il n’y avait pas de bus. Pas d’hélicoptère non plus. Rien de rien. Il a fallu redescendre par mes propres moyens, et à ce moment, je me suis vraiment dit que je n’avais pas de cervelle. Je me suis dit : « plus jamais ».
Finalement, arrivé en bas, j’ai croisé mon voisin. Il m’a félicité, m’a offert une bière en me disant que c’était essentiel pour la récup, je lui ai offert la deuxième pour faire ma tournée, ensuite il y a eu celle du proverbe « jamais deux sans trois », puis celle qui suit le proverbe, qui n’existe pas mais qui tombe bien à propos.
Pour la suite, j’étais saoul.
Deux semaines plus tard, je crois que je n’avais pas dessoulé, vu que je suis revenu.

Je suis au milieu du peloton, les gens rigolent, tout le monde attend le départ. Je regarde autour de moi, et je comprends que le sport est quelque chose de terrible. Une fois que tu as mis les pieds dans l’engrenage, tu ne peux plus faire marche arrière.
Mais qu’est-ce que c’est bon !

(Corpyright Benoît Chauvet)

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