![]() |
la fameuse "borne 0" |
Un site sur le ski, le trail, mes livres, l'écriture, mes aventures...
Mes livres, le ski de fond, mes aventures
Recherche partenaire
lundi 11 août 2025
Le mot d'Isa (par Isa)
jeudi 7 août 2025
Arrivée à Menton, fin de notre première grande épopée familiale
A l'arrêt, chacun veut sortir sa gourde, c'est au premier à dégoupiller et faire tourner la bouteille histoire d'alléger son sac. Troisième jour dans le Sud, le vrai, celui qui met les rivières à sec et qui fait transpirer même en restant immobile à ne rien faire. J'ai promis une étape courte, mais après avoir passé un premier col à près de 1200m, la descente est finalement longue et un panneau annonce 700 mètres d'altitude. Il va falloir remonter au col du Berceau, LE dernier col de notre traversée, dont le passage culmine à 1050 mètres. Une étape courte, je t'en donnerais une étape courte... C'est probablement ce que j'aurais pensé en écoutant mes propos sans être moi, mais un autre moi à qui on explique ce que sera l'étape du jour. C'est bon, je ne vous ai pas perdus ?
La nuit m'a laissé des traces, trop courte et trop sonore. Les coqs se sont manifestés trop tôt, à qui crierait le plus fort. Un âne s'est mêlé à la cacophonie, et à six heures, alors que je venais enfin de faire abstraction du bruit environnant, Isa vient me secouer: il est temps de se bouger. Tout le monde est impatient, Lucas et Éléa "ont le stress", ça fait plusieurs jours qu'ils le disent.
Dernier col. Éléa est montée à vitesse hypersonique, 350 mètres de D+ avalés en 20mn. De nouveau, mouchoirs papiers, PQ, Kleenex qui jonchent le parcours, les gens ne prennent même pas le temps de s'éloigner du sentier, défèquent sur le parcours en prenant à peine le temps de recouvrir les restes de leur passage. Comment peut-on agir ainsi en se prônant montagnard ? À se lancer certains defis on en oublie les bases de la vie. Cette histoire de valeurs bafouées qui revient sans cesse. Depuis le début, nous, c'est "feuilles à caca". Dit comme ça, c'est pas très glamour, mais certaines feuilles, comme les pétasites, ramassées en bordures humides de chemins, sont fantastiques pour les pauses toilettes. Alors, oui, dans le Sud, elles sont plus compliquées à trouver, mais en cherchant bien, il y a toujours une feuille douce à se mettre sous... derrière... enfin, vous voyez.
Au col du Berceau, la vue est incroyable, les Alpes paraissent tomber dans la Mer. Il faut maintenant redescendre. 800 mètres. 700. Un replat, petite montée, Lucas râle, il a hâte. Isa descend plus vite que d'ordinaire. Puis viennent les bruits. Les voitures, l'autoroute, les klaxons, les cris. La civilisation, presque oppressante. Encore quelques pas. Notre borne zéro, fictive, notre Everest familial. La Méditerranée, juste devant. La fin de notre traversée. Notre épopée à quatre. Longue et courte à la fois. Presque sans heurts, au courage pour Isa, qui a vaincu ses maux et ses doutes. Au courage des enfants, émerveillés et émerveillant marcheurs et personnes croisées.
Et moi dans tout ça ? Je n'étais que le sherpa 😄 Bien sûr, des images plein la tête, de nouvelles histoires à raconter, des rêves à partager. En somme, la fin d'une aventure, en attendant... le début de la prochaine.
![]() |
Réveil après la nuit à la belle étoile |
![]() |
Première fois que l'on voit l'indication Menton |
![]() |
Arrivée Contrat rempli 😉 Vive l'association "À chacun son Everest" |
mercredi 6 août 2025
Avant dernière étape, bivouac au col de Castillon
Au matin, nous avons tous les yeux rivés sur l'étendue bleue en face de nous. Après la petite nuit, nous rêvons des viennoiseries chaudes qui nous attendent à Lucéram. Une heure de marche et nous y sommes. Sauf que... la boulangerie est fermée le mardi ! Il ne reste que deux viennoiseries à la supérette d'à côté, coupées en quatre et avalées en deux bouchées. Tant pis, il faudra se contenter de pain, qui a défaut d'être artisanal, a le merite d'être frais. La pause petit déjeuner s'étire, la flemme traîne quelque part, l'étape du jour paraît facile sur la carte, mais entre la carte et le terrain, il y a toujours le mystère "imprévus". On erre un peu dans les petites ruelles du village, les enfants rêvent de faire une partie de cache-cache mais nos tendons de vieux ne le voient pas d'un bon oeil.
-Et puis il y a tout de même une marche à faire, vous n'êtes pas pressés d'arriver, vous ?
Ils nous regardent, hésitent, mais bon, l'appel de la mer a raison de leur envie de jouer. Jouer... À peine les sacs posés, ils sont en train de courir et sauter les rochers, alors que nous, notre seul envie serait un massage et un jacuzzi. Je commence à me demander si c'est bien du lait en poudre que je leur ai acheté et pas de la coke ou un truc du genre.
10 heures lorsque nous quittons Lucéram, la chaleur est déjà étouffante.
-Ce serait drôle que des gens soient là quand on arrive à Menton pour nous applaudir, nous dit Lucas.
Je souris. Chaque fois que nous croisons du monde, qu'ils voient les petits et que nous leur expliquons notre périple, la première réaction est de sourire. La bonne blague, pensent-ils. Je dois insister, "Si, je vous assure, ils sont vraiment partis de Chamonix ". Viennent alors les compliments. Bien entendu, les enfants, d'entendre ces éloges, ça leur donne le sourire, une belle fierté que nous partageons forcément en tant que parents. Je ne manque pas de parler d'Isa et de son cancer, et toutes ces bonnes ondes nous font avancer, malgré les doutes qui sont toujours dans un coin de nos têtes.
L'étape se fait quasiment d'une traite. La pause midi est une nouvelle fois à quatorze heures, alors qu'il nous reste à peine 30mn de marche pour rallier la fin de l'étape. Voyant nos bouteilles à moitié vides, un homme (merci encore Eugène) nous offre une bouteille de d'eau minérale. Popote au bord d'une route de campagne, à l'abri d'un arbre. Au choix: purée, pâtes, couscous ou polenta. Avec l'incontournable bouillon cube.
-Papa, tu sais où tu peux le mettre ton bouillon cube?
Ça, c'est sûrement ce que pensent les enfants dans leur langage d'enfant, que je traduis en langage adulte. En gros, les bouillons cubes, ils n'en peuvent plus. Ni de la semoule, couscous, et autres mets compacts (mais tellement pratiques) que nous rachetons à chaque ravito.
La dernière descente sur le col de Castillon est une formalité, mais l'eau est inexistante (Fontaine coupée par économie d'eau), mais heureusement pour nous, il y a beaucoup d'habitations et un couple nous remplit nos gourdes ainsi qu'un grand seau d'eau pour nous laver. Nous posons notre camp à côté de l'ancienne église, dans un silence incroyable. Les enfants veulent dormir à la belle étoile, alors je les accompagne dans cette dernière nuit de bivouac, en dehors des toiles de tente.
Oui, la Mer! Arrivée dans le Sud et Lucéram en point de mire
C'était bien la mer. À la fois si proche et si lointaine, se fondant dans l'horizon. On est restés longtemps debout à la regarder pour en être sûr. "C'est un bateau dessus, je t'assure que c'est elle. Mais non, regarde, c'est pas possible, c'est juste une voiture. Si, si, regarde la traînée derrière..."
Au départ, l'idée était de passer par la Vallée des Merveilles, mais avec les douleurs aux tendons des vieux, on a joué les raisonnables et fait une autre variante. L'étape de jour devait nous mener aux portes de Luceram.
J'ai mis les tentes détrempées dans le sac, on a dit adieu à notre dernier bivouac en altitude et on a attaqué la descente. Très rapidement, la chaleur nous a attaqués. C'est en entendant le chant des cigales qu'on a compris qu'on était vraiment dans le Sud. Au moment de traverser la Vésubie, on a chargé une nouvelles fois les sacs en eau. J'ai rassuré mon petit monde en montrant un point d'eau sur la carte : on ne serait pas à sac au moment de bivouaquer.
Au moment d'attaquer la montée au col, un couple très sympathique nous offre café et sodas. Juste de quoi faire le plein d'énergie avant la montée dans la fournaise. Les enfants gambadent devant, on a depuis longtemps abandonné l'idée de les suivre. Arrivés au col de la Porte, dégoulinants de sueur, première grose déconvenue : le point d'eau est un réservoir en cas d'incendie. Barricadé, aucune chance d'en avoir une goutte. J'étudie minutieusement les alternatives sur la carte, il y a un cours d'eau avant le col Saint-Roch, et si nous prenons ce minuscule chemin en contrebas... Il nous faut pourtant de l'eau, surtout pour nous décrasser. Il nous reste encore à boire jusqu'au lendemain matin, où nous serons à Lucéram pour refaire le plein.
Et nous voilà dans la grosse galère du jour, traversant champs de ronces et pentes rocailleuses à 50%, pour aboutir sur un lit de rivière à sec. Isa et les enfants sont au bout du bout, le craquage mental est proche. D'autant plus qu'au col Saint-Roch, il est quasiment impossible de planter une tente. Nous trouvons un misérable coin en bordure de route pour mettre nos abris de fortune. Et parlant de fortune, en cherchant l'endroit de bibouac, je tombe sur une bouteille d'eau d'un litre et demi, neuve, gisant en bordure de chemin.
La Providence, il n'y a pas d'autre mot. Par contre, pour la nuit de rêve, avec tous les passages de voiture et le camion poubelle à 4h30, on repassera.
![]() |
Descente vers la Vésubie |
![]() |
Petite galère en voulant trouver un raccourci |
![]() |
Pause midi |
![]() |
Bivouac galère |
![]() |
La mer, à nouveau le matin, mais bien plus proche |
mardi 5 août 2025
La Mer ?
Dans nos rêves, le clocher qui laisse les marcheurs tranquilles. Il a terminé sa danse à minuit, l'a reprise à six heures. Nous, on aurait bien roupillé encore un peu. On a refait nos paquetages, puis on s'est mis en route pour Saint-Dalmas Valdeblore où devaient nous attendre viennoiseries et pains frais pour le petit déjeuner. Mais avant cela, huit kilomètres à parcourir et quelques 400 mètres de dénivelé positif. Une bagatelle, surtout le ventre vide. Les enfants, encore fatigués d'avoir dormi par intermittence suite aux gongs de l'église étaient un peu de mauvais poil. Heureusement, il nous restait un bon paquet de bonbons pour leur redonner le sourire.
À Valdeblore, on s'est gavés. Viennoiseries tout juste sorties du four, un pur régal. Même si au point où on en était, on aurait fait un festin de spaghettis crus (qu'on avait dans le sac).
D'un coup, en repartant, avec tout ce gavage de sucre et de gras, on se sentait prêt à aller jusqu'au bout du Monde. Bon, la Méditerranée, c'était déjà pas mal. Mais avant, il fallait qu'on se fasse une ascension de 900 mètres pour atteindre les crêtes, dont le sentier nous emmènerait en direction d'Utelle. Mon sac (et mes jambes (et mon dos) ) en ont eu pour leur grade avec le ravitaillement, nouvelle autonomie pour trois jours, sac alourdi de cinq kilos, sans compter l'eau. Pour la première fois, on savait qu'on allait en manquer. Pas une source ou une rivière avant l'arrêt du soir.
Les enfants, d'un coup, se sont sentis pousser des ailes. Ils se sont mis à chanter à tue tête, courant par tronçons. Il faut dire que de là-haut, nous aurions peut-être la possibilité de voir la Mer. Ils ont fait la montée à un rythme endiablé, dopés d'adrénaline. Qu'importe si en-haut, la Mer se présenterait à nous. L'idée seule de la voir suffisait à motiver chacun de leurs pas, et voir leur allégresse suffisait à nous faire avancer avec sourire. Et effectivement, une fois arrivés en haut...
... on n'a rien vu. La faute aux nuages s'agglutinant sur chaque sommet alentour.
Pendant que nous faisions le chemin aérien des crêtes, Isa est restée sur le GR à peine en contrebas. Croisant un berger, qui avait été contraint de retirer sa vente de fromages en libre service sur une ferme vue à peine en contrebas. Son stock ainsi que la caisse avaient été vidés peu de temps auparavant. Je venais pourtant d'expliquer aux enfants qu'ici, en montagne, les gens respectaient la nature et l'humain. Triste désillusion, de voir que même enmontagne, à 2000 mètres d'altitude, les valeurs disparaissent et ont raison des derniers irréductibles.
Toujours pleins d'entrain, les enfants ont fait leur dernier sommet à plus de 2200 mètres. Puis nous avons entamé la descente, en direction des Granges de la Braque. Dernier passage à plus de 2000. Le ciel s'est couvert. Grêle. Pluie. De toute façon, on était habitué.
On a planté notre bivouac à 1600 mètres. Là-aussi, dernière halte si haute. Douche en eau glacée, petit feu pour se réchauffer. Et au moment d'aller se coucher, Isa pointe du doigt l'horizon, demandant si ce ne serait pas la Mer au loin. Se confondant avec la brume environnante...
samedi 2 août 2025
Auron-Rimplas, la Mer n'a jamais été si proche 😁
On a fini par repartir d'Auron, après trois jours d'arrêt (un peu forcés).
Premier col passé.
-On voit quand la mer?
-Bientôt
Montée du Mont Mounier.
-On voit quand la mer?
-Bientôt.
Pas d'Angon.
-On voit quand la mer?
-Bientôt !!!!
Ritournelle des questions/réponses qui deviennent de plus en plus identiques. On se croirait dans Shrek avec l'Âne. À force, la marche, ça use les neurones. Un peu, beaucoup... Plus on approche de notre but, plus la motivation semble décroître. Pourtant, on a cru que les quelques jours de pauses nous auraient regaillardis. Lucas, d'ailleurs, était en train de crier tout haut qu'il avait impression que la grande marche venait de débuter et qu'il pourrait refaire un départ de Chamonix. Il a vite déchanté, passé le dernier col du jour à 2700m d'altitude, sa seule envie était d'en finir avec cette marche. Éléa traînait son coprs encore mal remis de la gastro et quant à Isa et moi, c'était un peu la fête à l'entropié. Avançant bon an mal an, traînant chacun(e) sa patte folle dans les descentes interminables. Heureusement qu'il y avait les vues pour nous redonner de l'allant.
Depuis quelques jours nous sommes face à un dilemme : allonger les étapes pour arriver le plus vite possible au bord de la mer ou prendre notre temps et faire fi de notre impatience. Car il faut bien se l'avouer, comme dans toutes les aventures, celle dans laquelle nous nous sommes lancés (hormis de porter les couleurs d'À chacun son Everest) est d'arriver à la Mer. Ce dont nous parlent les enfants depuis tant de mois: relier la Haute-Savoie à la Méditerranée à la seule force de nos jambes.
Au départ, nous nous fichions des jours, et plus nous approchons, plus le décompte nous obsède. La fatigue vient se mêler à nos marches, et cette impatience d'arriver, franchir cette banderole imaginaire. Comme chaque course, il faut rallier la ligne d'arrivée et à force, elle finit par devenir obsédante.
L'ascension du Mont Mounier ainsi que sa descente nous ont offert des vues extraordinaires et lunaires sur sa deuxième partie. Tentes installées dès la première rivière croisée, les enfants, comme à leur habitude, on retrouvé leur second souffle dès les sacs posés et partent escalader les rochers alors que nous, on n'a même plus d'energie pour mettre un pied devant l'autre. Extinction des feux à huit heures et des brouettes pour un lever à 6.
La montée au Pas de Langon est magique avec toutes ses cheminéesbet pierres érodées, et lorsque nous débouchons au vallon, une dizaine de patous vient nous accueillir sans heurt (même si voir leur museau à hauteur des visages d'enfants me laisse toujours sur mes gardes). La suite, c'est une longue, très longue, trop longue descente jusqu'à Saint-Sauveur. La pause midi se fait à quatorze, tout le monde est rincé, alors on fait le plein de sucre (sodas et glaces) pour rebooster le moral des troupes, avant de repartir pour une dernière ascension en plein soleil (si si, il existe parfois pendant notre traversée 😁) jusqu'à Rimplas. Là, on croise l'ancien Maire qui nous indique u'n terrain pour bivouaquer et un Fontaine pour se rincer. Pur moment de bonheur. D'un coup, tous les maux sont oubliés (ou presque), et on se sent d'attaque pour nos trois -ou quatre- dernières journées. Enfin, si le clocher de l'église veut bien nous laisser tranquille quelques instants 🙄😤😇
![]() |
Bivouac avant le pas de Langon |
![]() |
Départ d'Auron |
![]() |
Paysage lunaire après le mont Mounier |
![]() |
Montée au Pas de Langon |
![]() |