J'ai peur. Une peur viscérale, ancrée désormais depuis plusieurs mois. Une peur soudaine, croissante, démesurée. Une peur panique, violente, incompréhensible.
Le peuple gronde et personne ne s'en soucie, nous ne vivons plus dans un état de Droit mais dans un état de Police, d'aucuns diront qu'il faut sauver des vies, reste la question de savoir s'il faut le faire au détriment d'autres vies. Il n'existe pas de vérité, parce que nous avons tous nos valeurs et nos croyances, que tout un chacun les estime justes et nécessaires, mais aujourd'hui, certains sont prêts à tout pour les faire respecter, quitte à faire justice soi-même, au dépens de nombreuses lois. Aux armes, citoyens...
Liberté, égalité, fraternité, trois mots pour une devise, une devise pour laquelle nos aïeux se sont battus, Trois mots qui perdent leur sens désormais, alors que beaucoup y ont laissé leur tête et auraient rêvé d'une mort meilleure, ou seulement d'un fin de vie plus honorable. Le virus est dans toutes les bouches, servi à tous les plats et à toutes les sauces, et voilà qu'avec lui, avec cette microscopique particule née comme nous sur cette Terre, cherchant des hôtes pour se développer, pour survivre, une devise s'écroule. La liberté de circulation est bafouée. Les inégalités atteignent leur paroxysme, et pour ce qui est de la fraternité, les insultes fleurissent à tout bout de champ, il n'y a plus ni respect, ni tolérance. Notre colère nous ronge, dégradant nos neurones. Bafoués dans nos valeurs, des bataillons se forment et chacun tente de rallier l'autre à sa cause.
Le Monde change. L'Homme a envahi les continents. Dans sa quête inlassable d'inconnu, dans son désir inassouvi de tout vouloir connaître et maîtriser, dans sa soif de pouvoir, chaque parcelle de vide tombe dans son escarcelle. Le Monde change et le monde reste tel quel, désireux de contrôler, avide de pouvoir et de réussite, soucieux de faire valoir ses idées et de les faire accepter aux autres. Bon gré, mal gré. Tout n'est qu'une question de fin, qu'importent les moyens. Dût-il faire douter les valeurs profondes de la démocratie.
J'ai peur. Je l'ai déjà dit, mais je le répète, j'ai peur. Une angoisse réelle, profonde. Non pas d'un virus, mais de voir l'évolution de ce Monde que j'imaginais fait d'amour et de partage, je n'ai pas peur de mourir, mais de laisser un lieu imparfait à nos enfants, aux générations futures, j'ai peur de les voir grandir avec nos maux, de les voir cheminer en portant le poids de nos erreurs, qu'ils ne sachent plus, au fond, ce que sont la liberté, l'égalité, la fraternité.
J'ai peur qu'une révolution prochaine se mette en place, que 1789 ravive les souvenirs. J'ai peur que les mains s'agitent dans les airs, deux doigts levés qui ne seraient pas le signe de victoire, en l'occurrence sur un virus, mais celui d'une Vendetta, violente, vile et vaniteuse, nécessaire pour beaucoup, inévitable presque. D'ici, je perçois déjà son murmure, s'amplifiant au fil des jours, une rumeur bientôt impossible à contenir. Quatre mots, répétés en boucle, Et viva la révolution ! Et il sera trop tard pour faire marche arrière.
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