La p'tite boucle est un livre de 178 pages, en format 18cm * 24cm.
Edité aux Editions du Belvédère
Edité aux Editions du Belvédère
Voici les premières lignes...
Préface
Le dimanche, c’était généralement
notre traditionnelle journée sport. Intense, éprouvante, fatigante,
mais le soir, nous avions une réelle impression d’avoir occupé
notre temps comme il se doit.
Il y avait tout d’abord « Téléfoot »,
à partir de 9 heures. Après, c’était « Automoto. »
L’après-midi, pause rugby, venaient ensuite les sports locaux,
puis « Stade 2 ». Et, pour clôturer en beauté
cette dure journée chargée d’émotion, « Tout le sport »
nous faisait un joli résumé de ce que nous avions déjà vu tout au
long de la journée.
Sans prévenir, un beau jour de
juillet, notre programme classique a été perturbé. L’image était
saisissante : un troupeau de cyclistes traversait les routes de
campagne, acclamé par une foule en liesse. Des spectateurs à ne
plus savoir quoi en faire, des femmes hystériques, des médias en
veux-tu en voilà.
– Ça fait rêver, hein ? s’est
exclamée Clara, ma petite sœur en se tournant vers moi.
Oui, ça faisait rêver. De voir ces
sportifs en baver, franchir les plus hauts cols français en tirant
la langue, en donnant le meilleur d’eux-mêmes, ovationnés par un
public tout acquis à leur cause. Franchement, qui aurait pu rester
insensible devant ce spectacle ?...
Et là, j’ai vu le visage de Clara se
fendre d’un sourire qui lui arrivait bientôt jusqu’aux oreilles.
– Et nous, si on le faisait ?
s’est-elle exclamée.
Il devait faire très chaud à cette
époque ! La chaleur, dans la famille, on l’aimait bien, mais
plutôt de loin. Nous, notre dada, c’était plutôt la neige, le
froid. L’hiver, le soleil bas, les igloos et batailles de boules de
neige. À cause de cette supposée chaleur, j’imagine que j’avais
dû boire un peu trop (d’eau ?), parce que j’ai accepté.
Sauf que le vélo nous paraissait trop
facile. L’année d’avant, j’avais englouti plus de cinq mille
kilomètres en tandem avec Lucie, mon autre sœur, le tout en à
peine plus d’un mois. Il fallait trouver autre chose, parce qu’en
moins de temps qu’il me fallait pour le dire, le tour aurait été
joué. Et puis le truc en bicyclette existait déjà, on nous aurait
accusés de plagiat.
Alors, pour rester dans l’originalité
et histoire de nous compliquer la tâche, on a arrêté notre choix
sur…
– T’as une idée, toi ? ai-je
demandé à ma sœur.
– Euh, pas vraiment, non.
– T’as bien une idée, non ?
Le premier moyen de locomotion qui te vient à l’esprit…
Rien. Alors on a cogité une grosse
partie de la nuit. Le lendemain, nous étions toujours aussi
bredouilles. Nous avalions des croissants en silence, l’esprit
préoccupé par cette fameuse idée qui ferait de nous les rois de la
France. Clara était en face de moi. Soudain, comme par miracle, j’ai
vu sa pupille étinceler. Elle a eu cet éclair de génie dans les
yeux. Pour elle, c’était évident.
– Le ski à roulettes !...
*
Un mois plus tard, nous venions de
boucler notre première semaine de tour. Assis dans la douche, les
cheveux encore imprégnés de l’odeur du plastique brûlé, les
doigts noirs de crasse, je passe en revue les événements des sept
derniers jours en me demandant par où commencer.
Par le chien qui a déboulé de son
chenil pour laisser l’empreinte de sa mâchoire dans l’un des
mollets de papa ? Par la petite fille qui est arrivée vers moi
en pleurant, complètement affolée, en criant que sa maison brûle ?
Par Clara, prise de panique au beau milieu de la nuit, croyant à une
bestiole que rien ne semblait effrayer, alors qu’on dormait
tranquillement dans une grange, sur des bottes de paille ? Ou
encore par maman qui a filé en trombe sous la pluie battante,
passant à quelques mètres de nous sans nous apercevoir, et la
rattraper en voiture dix kilomètres plus loin alors que, nous
croyant devant, elle s’époumonait à pédaler pour essayer de nous
rejoindre ?...
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