J'aimerais commencer ce message par un petit brin d'humour, par un peu de légèreté, en me demandant : Mais où est Charlie ? Répondre par un clin d’œil à ma petite voisine de la colline d'en face, oui, elle est là-bas.
J'imagine que depuis quelques jours, les gamins de l'école doivent lui poser cent fois la même question, à savoir si c'est bien elle, Charlie...
Pourtant, dans le cœur des gens, je ne suis pas sûr que le temps soit aux boutades, aussi légères soient-elles. A écouter la presse, les différents médias, à tendre un peu l'oreille pour saisir quelques bribes de conversations de nos congénères, la fusillade du 7 janvier à Charlie Hebdo est à la France ce que le 11 septembre 2001 est aux Etats-Unis: l'un des événements majeurs des dernières décennies survenu sur notre sol.
Cette vague d'indignation, portée par ce message inconditionnel "Je suis Charlie", se répand comme une traînée de poudre. D'aucuns souhaiteraient qu'elle traverse les océans et les frontières, qu'elle se partage en une seule et même langue, quelles que soient les cultures et les croyances, les langages et les personnes. Dans les rues, les gens défilent à l'unisson, crient au scandale. Ce meurtre est inqualifiable, impardonnable, il touche là l'une de nos cordes sensibles, plus que le meurtre humain, c'est un attentat contre notre liberté d'expression. Ici, là, à Paris, capitale emblématique de notre bonne vieille France.
Charlie, Charlie, soyons tous Charlie, et ceux qui ne le clameront pas seront pointés du doigt. Bien entendu, nous étions tous là, à défiler par millions, pour dénoncer l'oppression chinoise contre le peuple tibétain. Bien entendu, nous étions là aussi, solidaires et unifiés, pour nous insurger contre les plusieurs centaines de journalistes russes assassinés depuis la chute de l'URSS. Bien entendu, nous étions encore là, pour manifester contre la lapidation des femmes dans certains pays musulmans. Contre l'apartheid en Afrique du Sud, contre les guérillas éclatant çà et là dans le monde, contre les génocides perpétrés maintes et maintes fois aux quatre coins du globe, aujourd'hui encore...
Je suis Charlie, tu es Charlie, nous sommes tous Charlie, un pour tous, tous pour un. Nous avons toujours défendu ces belles valeurs, aucun doute là-dessus. Liberté, égalité, fraternité. Et pourtant...
Et pourtant, ces rues dans lesquelles nous aurions dû défiler par millions lors de ces massacres, ces attentats, ces emprisonnements, cette atteinte à la liberté de pensée, d'expression, ou même la liberté plus banale qu'est celle de marcher, bouger, se mouvoir sur cette Terre, oui, ces rues semblaient bien désertes.
Alors, où est Charlie ? Où était Charlie ?
A travers cette mobilisation invraisemblable, nous défendons une liberté qu'on ne veut pas nous ôter. Mais ne devrions nous pas essayer de défendre des valeurs un peu plus rudimentaires, celles du respect de l'autre, de la tolérance, de l'amour, de la compassion, du partage, de la solidarité ? Qu'en reprenant ces bases toutes simples, nous serions tous un peu meilleurs ?
Ce n'est pas être Charlie, ni le devenir. Ce serait simplement être plus humain, dans notre cœur et dans nos actes, au quotidien.
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