Il y a mauvais temps et mauvais
temps. C’est un peu comme le sketch des Inconnus, entre le bon chasseur et le
mauvais chasseur.
La pluie, c’est tout comme. Il y
a la pluie qui fait des gouttes, qui tombe du ciel et qui mouille. Et puis il y
a l’autre. Celle qui fait des gouttes, qui tombe du ciel, et qui mouille. Sauf
que la deuxième, si vous avez le malheur de vous prendre une goutte, vous avez
de grandes chances de finir noyé.
Dehors, c’est un peu ce qu’il
passait. On ne pouvait pas appeler ça de la pluie. C’était tout simplement le
déluge. La fin du monde. D’ici peu, on n’allait pas tarder à voir un descendant
de Noé passer avec sa ribambelle d’animaux dans les rues des villes. Ce n’était
qu’une question d’heures.
Je restais campé derrière ma
fenêtre, attendant de voir la sortie du messie. Et soudain, le miracle est
arrivé. Bah non, pas Noé.
Il s’est juste arrêté de
pleuvoir.
Là, en face de moi, une trouée
dans le ciel. Elle n’était pas énorme, mais juste ce qu’il fallait pour
comprendre qu’il y aurait une petite accalmie. C’était une certitude. Par
contre, s’il y avait une incertitude, celle-ci était de taille : la durée
de l’accalmie. Au nez, je misais sur trois heures. J’aurais presque été prêt à
prendre un pari, si autour de moi il y avait eu quelqu’un avec qui parier.
Il fallait que je profite de
l’aubaine. Depuis une semaine, je n’avais pas pu mettre un pied au-dehors.
J’avais besoin d’un peu d’air, de paysage, d’espace, de liberté. N’y tenant
plus, je suis allé dénicher une paire de chaussures, j’ai enfilé à la va-vite
une tenue de sportif, et je suis sorti.
Au moment de partir, je me suis
rendu compte que j’avais oublié de fermer la porte à clef. Je me suis empressé
de retourner à l’intérieur chercher mes clés. Normalement, je les pose sur le
crochet, juste à gauche de la porte d’entrée. Sauf qu’elles n’y étaient pas.
Peut-être parce que le « normalement », c’était plutôt une fois de
temps en temps.
Des « normalement », j’en
avais plein. Il y avait les classiques : la table de la cuisine, la table
basse, la plaque du four, les bords de l’évier. Et puis les insolites :
les toilettes, l’intérieur du four, le frigo, parfois même, la poubelle.
Je les ai tous fait, sans succès.
Toujours aucun signe de mes foutues clés. J’ai essayé de les siffler,
m’attendant presque à les voir arriver au galop, toutes guillerettes qu’elles
étaient.
Rien.
Un coup d’œil à ma montre,
j’avais déjà perdu vingt bonnes minutes. Dehors, la percée était toujours
d’actualité, on apercevait même un rayon de soleil.
J’ai retourné les placards
alimentaires. Fouillé dans le lave-vaisselle –ah non, je n’avais pas de
lave-vaisselle–, vidé le bac à légumes, inspecté le receveur des toilettes. On
ne sait jamais, il paraît qu’il y en a qui font tomber leur téléphone portable
dedans.
Toujours rien. Et le temps, lui,
défilait toujours.
Alors aux grands maux, les grands
remèdes. J’ai défait mon lit, retourné ma chambre, vidé le contenu de mes
étagères, mis la cave à nu, trié dans mon courrier. J’ai tout fait, tout.
Un coup d’œil à ma montre, j’étais
dans mes recherches infructueuses depuis déjà trois heures. Un coup d’œil à mon
appartement, c’était Tchernobyl. Tout était sens dessus dessous, il y avait des
assiettes cassées, une étagère branlante, une fenêtre fissurée. De rage, j’ai
donné un coup de pied par terre.
« Cling ».
Pardon ?
Lentement, très lentement, j’ai
palpé la poche de mon short.
J’ai sorti une clé et une pièce
de un centime.
Ce n’était pas une clé, mais LA
clé.
Je me suis alors précipité dans
le couloir, j’ai fermé la porte, et je suis sorti. A ce moment-là, il ne
pleuvait pas. Pas encore. J’ai juste eu le temps de lever la tête au ciel, et
je me suis pris des trombes d’eau.
J’ai fait un pas en arrière,
j’étais déjà trempé de la tête aux pieds. Je suis retourné chez moi, j’ai
ouvert la porte en grand, j’ai vu tout le bazar qu’il y avait en face de moi.
J’ai attendu, ne sachant pas trop
ce qu’il valait mieux : finir noyé dehors ou étouffé par le capharnaüm qui
régnait dedans.
J’ai repensé à mon pari, celui
des trois heures. Je me suis mis à rire. Les nerfs qui lâchaient. Je suis
rentré en claquant la porte derrière moi. Le choc de l’impact a fait tomber une
lampe qui s’est brisée au sol.
Quelle journée de…
Et je reste poli.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire