Recherche partenaire

Je suis à la recherche de partenaires financiers, si vous voulez faire partie de l'aventure, n'hésitez pas à me contacter. Je m'engage à promouvoir votre image de la meilleure façon possible.

lundi 11 mars 2013

Tabernak !


Je regarde le gars qui me regarde le regarder. J’ai les yeux ronds, la bouche ouverte, le regard hagard.
-Eh, tsête dze piâf, me fait le gars, vous zêt tsur que que tsou va bien ?
-Euh, je suis désolé, fais-je en reprenant mes esprits. Je ne parle que le français.
Cette fois-ci, c’est à son tour d’écarquiller les yeux, d’ouvrir les yeux. Sauf que dans son regard, je lis qu’il me considère comme le dernier des abrutis.
Il y a peu, j’étais encore en France. Tout semblait parfait. Pour une fois, je n’avais rien laissé au hasard. Après ma galère d’avion d’il y a deux ans (Capt’ain América, dans ce fameux livre que vous devriez tous avoir lu), après avoir été à deux doigts de le louper l’année dernière faute d’avoir pris ce fameux ESTA (histoire à suivre), je pensais être rôdé.
J’avais même pris quelques cours d’anglais, histoire ne pas être ridicule en arrivant chez les Ricains. Pendant le décollage, j’ai repensé au moi d’il y a deux ans, cet inculte moi qui ne connaissait que ces deux répliques connues : Where is Brian ? Brian is in the kitchen.
A l’époque, je n’étais vraiment pas bon. Mais j’ai progressé. Un travail assidu. J’ai ressorti mes bouquins de sixième, et chaque soir, à la lueur de ma lampe de chevet, je me suis répété en boucle les nouveaux mots de vocabulaire. Et aujourd’hui, je n’étais pas peu fier de lancer avec fierté :
Brian is in the kitchen AND he is eating a sandwich.
Mais là, tout de suite, maintenant, je comprends que tout ce travail de longue haleine ne m’a pas servi à grand-chose. Pourquoi ? Simplement parce que si j’avais poussé mes recherches, j’aurais vu que… Nous sommes en 2013 après Jésus Christ. Toute l’Amérique est occupée par la langue Ricaine. Toute ? Non ! Car une région peuplée d’irréductible Québécois résiste encore et toujours à l’envahisseur. Et la vie n’est pas facile pour les garnisons de ricains…
Enfin bref, j’ai donc débarqué près de Montréal, j’ai loupé le bus que je devais prendre, et il a fallu que je me débrouille autrement. Nous arrivons donc au moment présent de l’histoire. Un gars croisé dans la rue, je lui demande si par le plus grand des hasards il parle français, il acquiesce, je suis sauvé. Non pas que je remette en doute mes compétences linguistiques anglo-saxonnes, mais mon cas présent me semblait un peu compliqué.
Je lui ai donc demandé quel bus fallait-il prendre pour aller à Ottawa.
-Viens t’en, tire-toi une bûche pour jaser*, m’a-t-il fait en me désignant une chaise. (* : voir definition en fin de texte)
Faciès du poisson hors de l’eau. Yeux ronds, bouche ouverte. Je vois bien qu’il me prend pour un con lorsque je lui dit que je ne parle que français. Mais je ne me débine pas. Je regarde la carte des bus, et lui demande si je peux prendre le 8 à la place du 13.
-Tantôt t’ô pô eu le 13 ? me fait-il.
-Pardon ?
-Le 8 ? Oh, tsu peux changer quatre trente-sous pour une piasse.
Plus il me parle, moins je comprends. Je lui demande alors s’il connaît les prix pour Ottawa.
-Fouille-moé.
-…
-Le 8, il est rendu, il vô bientôt pârtir. Arrêt dse niaiser avec lâ puck et dsécide toé !
C’est à ce moment que j’ai compris que j’étais vraiment dans une belle galère. Bien entendu, j’ai loupé le bus. Je me suis ensuite débrouillé comme j’ai pu. J’ai pris le mauvais bus, j’ai mis cinq heures pour faire un trajet qui se fait habituellement en à peine plus d’une heure, je suis arrivé exténué et j’y ai laissé tout le change que je venais de faire en arrivant.
Bref, je suis arrivé au Canada, Tabernak !

Epilogue
Pour me remettre de mes émotions, je suis allé prendre une collation dans un bar. J’avais besoin de manger un truc tout en buvant un bon verre.
-Qu’est-ce que vous avez à manger ? ai-je demandé une fois attablé.
-Dsu Humbergueur avèc dsu sirop d’sérâble, avec dses frites cuitses au sirop d’sérâbles. Il y a ôssi dsu steak au beurre d’sérâble, ou encore not’ plât dsu jour, mârinade dse crevet’z au sirôp d’sérâbles.
-Mais, vous avez pas des plats normaux sans sirop d’érable ?
-Nson, dsésôlé.
-Bon, je vais plutôt prendre une bière. Une normale.
La serveuse revient un peu plus tard avec ma bière. Aromatisée, il va de soi, au sirop d’érable.
Pas de doute, j’étais bien au Canada.


* Viens t’en, tire-toi une bûche pour jaser : viens, prends une chaise pour parler
  Tantôt : tout à l’heure (passé ou futur)
  Oh, tsu peux changer quatre trente-sous pour une piasse : C’est du pareil au même.
   Fouille-moé : je ne sais pas du tout.
   Il est rendu : il est arrivé
  Arrêt dse niaiser avec lâ puck et dsécide toé ! : Arrête d’hésiter et décide toi.
  Tabarnak : juron qui exprime la colère, le choc, l’indignation. Mot passe partout.


1 commentaire:

  1. :) je viens d'acquérir ton livre ce matin par hasard à la librairie et j'ai presque terminé. J'adore!! je me suis bien marrée pendant les 3 premières nouvelles que je viens de lire!! félicitations! je ne sais pas pourquoi, mais, de voir ton livre posé sur cette table au milieu des autres, ça m'a rendue toute joyeuse et même un peu fière! (va savoir pourquoi!). Le libraire m'a même confié que ça marche du tonnerre, il en commande tous les jours! on croise les doigts pour que ça dure et je ne vais pas me gêner pour faire de la pub.
    bises
    cécile

    RépondreSupprimer